Now Reading
Review : Joanna – Sérotonine

Review : Joanna – Sérotonine

Joanna nous présente Sérotonine, son premier album pensé comme l’histoire de la déchéance d’une relation passionnelle. Se vivant presque plus qu’il ne s’écoute, cet album nous fait vivre chaque étape d’une relation, de la séduction et la passion à la haine et la lassitude.

Sérotonine : « Neurotransmetteur impliqué notamment dans la régulation des comportements, l’humeur, l’anxiété ou encore l’apprentissage – Hormone du bonheur ».

Le ton est donné, avec ce premier projet, Joanna va nous faire explorer les méandres de nos sentiments. Pulsions primaires et émotions complexes se mêlent et se complètent sur cet album pensé comme l’histoire d’un amour. Sérotonine s’écoute comme on lirait un livre, chapitre par chapitre. Les 14 titres explorent les étapes d’une relation amoureuse, où, au rythme des beats électroniques, pop, trap ou R&B, les molécules se bousculent, le sang ne fait qu’un tour et l’hormone du bonheur devient extase avant de faner avec délicatesse.

Une relation naissante, entre séduction et amour

Après une intro de quelques dizaines de secondes, Goût de fraise vient nous cueillir et nous parle de cette rencontre avec quelqu’un qui tout à coup, sans qu’on se l’explique, se met à nous fasciner. Ce coup de cœur devient si obsédant qu’on ne peut plus décoller nos yeux de sa bouche, de son regard et notre esprit est totalement accaparé par l’idée d’être avec l’être concerné. Dans Viseur, on passe à la vitesse supérieure. Ce titre nous avait déjà bien obsédé à sa sortie il y a presque un an. Remis ici dans ce contexte, il symbolise à la perfection la phase de séduction, où le plaisir de se laisser envahir par l’autre est total, le désir monte et la tension est palpable. La prod sensuelle et rythmée nous fait entrer dans cette phase de douce fébrilité, au moment où un picotement envahit nos corps et vient engourdir nos sens, face à l’unique personne, à ce moment là capable de provoquer ce genre de sentiment.

 

La phase de séduction fait petit à petit place à ce que Joanna a choisi d’appeler L’envahissement sur Petit cœur. À ce moment là, l’autre a pris toute la place dans notre cœur, on sait très bien que cela finira mal « ton petit cœur sera détruit » mais ce sentiment est si bon que l’on s’en délecte, dans un mélange de peur et de plénitude. Sur Est-ce que tu veux rider ? ça y est, la passion est à son maximum, chaque seconde est consacrée à aimer l’autre, on se sent liés, connectés par un lien invisible aux yeux du monde. Sans chercher à le décortiquer on se laisse simplement envahir par ce sentiment pour en savourer chaque seconde. La première partie de cet album, la phase de « lune de miel », se termine avec Sur ton corps. Décrivant ce mélange de désir, de plaisir et de partage qui habite les couples pendant le sexe, le clip de ce titre à été tourné avec Leolulu, duo star de Pornhub. L’interlude douce et éthérée au milieu du titre se pose là comme pour signifier que le sexe peut nous emmener ailleurs, loin des préoccupations terrestres avant de revenir à une prod trap dansante qui réveille nos envies les plus inavouables.

Le moment où l’amour s’en va

La phase de découverte et de passion se termine avec Maladie d’amour où l’amour devient source de peur. Peur de sa propre vulnérabilité mais aussi peur de la déception, provoquée par la fin de la période de découverte et d’amour inconditionnel. Cette peur éveille les pires instincts en nous, et nous pousse à tester toujours plus intensément les limites de l’autre et de son couple, cet autre qui commence à perdre de son intérêt à nos yeux. Cette phase de peur se complète logiquement avec la phase de frustration décrite dans Démons. En feat avec Laylow, sur une instru sombre et brute, ici on ne sait plus si la personne aimée vaut le coup de se priver de toutes les autres. Les discussions d’avenir deviennent source de frustration, on est déjà ailleurs mentalement. Entre cette frustration et la jalousie évoquée sur Sérotonine, quand ce sentiment irrationnel et incontrôlable s’empare de notre esprit, l’amour montre ici ses facettes sombres et négatives. Dans ce genre de moment, le pire ressort de nous et chacun se tire vers le bas sans pour autant réussir à se laisser partir.

 

Nymphe Solitaire aborde cette lassitude qui peut s’emparer de la sexualité d’un couple. Le désir a disparu à force de toucher le même corps, et d’être touché par les mêmes mains depuis trop longtemps. Abordant le sujet du plaisir féminin, ici la femme préfère se toucher elle-même plutôt que s’ennuyer à deux. Dans la deuxième partie du titre, avec une douceur caressante, Joanna aborde également le sujet d’une femme débordée par son désir, à qui la société a dit que celui-ci n’était pas normal. Elle se sent « salie par l’envie ». L’occasion ici de rappeler qu’il est temps que le shaming vécue par les femmes ayant une sexualité libérée et active prenne fin.

Dans Maman, Joanna s’adresse à sa mère pour lui dire que les femmes méritent mieux que de subir leurs relations. Qu’il est temps de cesser d’essayer de faire bonne figure quand on est au plus mal. Qu’il faut savoir comprendre qu’on mérite mieux qu’une relation fade ou toxique et, surtout, qu’il est temps de partir. Dans Désamour cette idée se prolonge. L’autre a définitivement perdu tout intérêt et on aspire juste à quitter une relation qui est devenue une cage qui aspire notre énergie, pour se retrouver soi et retrouver la lumière.

Dans Alerte Rouge on est enfin seul. On se sent renaître, la confiance en soit revient lors de la fameuse « hoe phase » qui suit une rupture et on se sent invincible. À ce moment là, on a envie de profiter de cette liberté retrouvée et de ne surtout pas s’encombrer de relations dans lesquelles on risque de se perdre et s’oublier.

Cet album se termine sur Courir après, où on retrouve enfin la paix. On aurait tendance à diviser cet album en deux parties : l’amour et le désamour mais, selon moi, cette dernière chanson est une troisième partie à elle seule. En effet, l’idée du couple est partie et on parle ici de renaissance, du moment où on se retrouve et où on apprend à être seul. Avec une instru qui démarre tout en douceur, sur laquelle Joanna murmure le bilan de la relation décrite tout au long de cet album, elle retrace les phases par lesquelles on est passé pour finalement arriver à cette conclusion. Cet instant qui peut faire peur, car on ne sait plus ce que c’est d’être seul mais cet instant où un futur plein de promesses s’offre à nous. La dernière phrase de cet album « Je cours après mes défauts pour me faire du bien » résonne comme un appel à enfin embrasser la totalité de sa personnalité, pour être en paix avec soi-même, sa sexualité et son rapport aux autres.

En bref

En 14 titres, produits par les beatmakers KCIV, Louis Dureau, Majeur Mineur, Skuna et Sutus, Joanna nous raconte une histoire d’amour. Nous faisant passer de la passion et la douceur à la lassitude et au mépris, on vit cette relation au rythmes des prod trap, pop et électroniques qui composent Sérotonine. Ce premier album nous absorbe totalement dans l’univers vaporeux et magnétique de la chanteuse et nous séduit.


Tracklist

1. Intro

2. Goût de fraise (La rencontre)

3. Viseur (La séduction)

4. Petit cœur (L’envahissement)

5. Est-ce que tu veux rider ? (La naissance de l’amour)

6. Sur ton corps (Le sexe)

7. Maladie d’amour (La peur)

8. Démons (La frustration) feat Laylow

9. Sérotonine (La jalousie)

10. Nymphe solitaire (La lassitude)

11. Maman (La nostalgie)

12. Désamour (Le désamour)

13. Alerte rouge (La révolte)

14. Courir après (La renaissance)

Notre sélection : Viseur, Sur ton corps, Sérotonine, Désamour, Courir après

NOTE : 16/20

 

A retrouver sur Deezer et Spotify.
View Comments (0)

Leave a Reply

Your email address will not be published.

© 2021 La Distillerie Musicale. ALL RIGHTS RESERVED.