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Interview : Victor Solf

Interview : Victor Solf

A quelques jours de la sortie de son premier album, Still. There’s Hope, nous avons rencontré Victor Solf dans un hôtel du 6ème arrondissement. D’une bienveillance absolue, Victor a su distiller sa dose d’amour et d’espoir au cours de cet entretien lumineux et solaire.

Bonjour Victor ! Nous sommes à J-14 de la sortie de ton premier album Still. There’s Hope. Comment te sens-tu ?

Je suis très content. J’ai énormément d’énergie et d’idées pour faire vivre l’album. J’ai reçu les CD et de nouvelles tenues de Julien Bernard qui est le peintre qui m’accompagne sur mes tenues.

Comment as-tu conçu ce premier album ?

Je me suis décidé sur l’album il y a 1 an en plein milieu du confinement. J’avais rassemblé suffisamment de démos pour me lancer. J’avais lâché mon appartement à Montreuil, je n’avais pas encore trouvé de logement en Bretagne. Je me suis mis dans une dépendance d’une maison de famille. Il n’y avait pas de wifi. Le classique de l’artiste qui s’isole.

La production a donc été assez rapide …

C’est assez fou de se dire, qu’en 1 an, j’ai fait un album et travaillé les images qui accompagneraient ce projet (les photos de presse, la pochette, les clips). J’ai eu l’impression d’aller vite, de beaucoup travailler et d’être sur une période hyper condensée.

Comment as-tu appréhendé l’écriture et la composition ?

Dans un premier temps, ma manière d’écrire et de composer était assez anarchique. Je ne me suis pas fixé de concept avant l’écriture. La seule contrainte que je m’étais fixé était de faire un album personnel parce que je le sors sous mon nom, je n’ai plus de pseudonyme, je me mets vraiment à nu et il fallait que ça se ressente dans les paroles.

©Anoussa Chea

Quels sont les thèmes que tu abordes ?

Je parle de mon rapport au deuil de Simon dans le titre Fight For Love. J’ai mis beaucoup de temps à accepter que Simon ne reviendrait pas. Pendant des années, je l’imaginais rentrer par une porte et dire « Hey salut, tout ça n’était qu’une mauvaise blague. » et je n’aurai pas été étonné. J’ai écrit ce titre comme un mantra, une gymnastique intellectuelle. Dans le refrain, je dis « mes pleurs, ma colère, la propre peur de ma mort, notre musique ne te ramèneront pas ». La maladie d’un proche renvoie à la fragilité de sa propre vie. Je termine cette chanson en disant que je continuerai de me battre pour être heureux et chercher le bonheur et l’amour. L’espoir et l’amour sont très liés et sont des thèmes très riches : l’amour des autres, l’amour de soi même et la confiance en soi que j’aborde dans I Don’t Fit. Je parle aussi de mon fils sur Comet. Sur Hapiness, je me questionne sur ce qui me rend heureux.

Et qu’est-ce qui te rend heureux ?

La création artistique est quelque chose qui me procure beaucoup de bonheur et d’estime de moi. Il y a des notes de musique qui sortent et viennent de moi qui sont des notes d’amour ou de grande colère mais en les sortant, ça me permet de verbaliser et d’extraire une certaine frustration qu’il peut y avoir en moi. J’ai toujours essayé de parler de concepts universels en les ramenant à mon échelle. Tout au long de l’album, j’essaie de voir ce qu’il peut y avoir de positif dans ma vie et ce qui peut me donner de l’espoir.

©Anoussa Chea

J’essaie d’appliquer le concept du verre à moitié plein. L’espoir, le bonheur passe par cette manière de voir les choses. Il y a aussi cette idée autour du contentement. Par exemple, quand tu passes une bonne journée, il faut se le dire. Il ne faut pas considérer cela comme acquis et se plaindre dès qu’on rencontre des petites embuches. Il faut relativiser mais par rapport à sa vie et à soi même et non pas par rapport aux autres. Le relativisme par rapport aux autres peut être dangereux parce que tu rentres dans un sentiment de culpabilité.

Peux-tu nous parler du titre de cet album qui a d’autant plus de sens compte tenu de la période que nous sommes en train de vivre ?

L’album s’appelle Still. There’s Hope. Je me suis vraiment posé cette question. En 2020/2021, est-il encore possible d’avoir de l’espoir ? Est-ce que j’ai encore de l’espoir ? Est-ce que je crois encore en l’avenir ? Est-ce que je me sens encore humaniste ? Still. There’s Hope. n’est pas facile, surtout actuellement où on est globalement très stressés, angoissés et inquiets de l’avenir, mais quand tu réussis à vivre des bons moments, il faut appuyer sur le bouton pause, respirer et profiter.

C’est comme ce que dit John Lennon dans Imagine « You may say I’m a dreamer ». Je sais qu’il y a un truc un peu candide, utopiste mais en réalité c’est difficile de pardonner, de se pardonner soi-même, de donner plus que de recevoir. Ces grands concepts autour de l’amour et de l’espoir ont toujours été difficiles. C’est beaucoup plus facile d’être dans la haine que de prendre quelqu’un qu’on n’aime pas dans ses bras.

L’album est très solaire tant dans les sonorités que dans les thèmes et les titres des chansons que tu as choisis. C’était une vraie volonté de ta part d’apporter cette dose d’optimisme ?

C’est ce dont j’avais besoin et je pense que les gens ont aussi besoin d’avoir une musique qui se rapproche de la quiétude et de la bienveillance qui est aussi un grand thème de l’album. Dans Trouble Behind, je parle de ces moments où on se pose en fermant les yeux ou en levant la tête pour être dans le moment présent.

On vit dans un monde tellement violent où on est dans des polarités très extrêmes où il faut choisir un camps en permanence. Il n’y a plus de place pour la nuance, la tolérance, la bienveillance et l’écoute. Quand on donne du temps et de l’énergie aux autres, on reçoit tellement en retour. On s’exprime en permanence, on prend rarement le temps d’écouter les autres et de se taire. Call Your Grandma évoque cela.

Il y a aussi un vrai mélange et équilibre dans les influences qui ressortent de cet album.

J’adore travailler avec des contraintes et j’ai mis du temps à trouver une formule qui me plaisait vraiment. Je voulais me détacher de Her mais en même temps, je ne voulais pas aller en opposition avec Her. Toutes mes influences viennent de la soul, des claviers, de la mélancolie dans les accords ; c’est vraiment ce que j’aime. Je voulais toujours être dans des harmonies soul, classiques et romantiques mais je voulais quand même me différencier. J’ai donc laissé de côté les guitares et les effets de son de guitare qui faisaient partie du son de Her. Je me suis concentré sur le piano. J’ai trouvé cette formule avec la musique classique, la mélancolie, la soul et la musique électronique en terminant le titre Traffic Lights.

Traffic Lights est le seul morceau de ton précédent EP à figurer sur ton album. Pourquoi ?

Ce titre est vraiment la colonne vertébrale de ce projet. Ce titre réunit vraiment tout ce que j’avais envie de faire : à la fois de l’électro, de la musique moderne et actuelle mais aussi beaucoup de soul et de gospel qui s’expriment par des harmonies de voix. J’aime beaucoup harmoniser ma voix, comme s’il y avait beaucoup de personnes qui chantaient avec moi. Il y a aussi le piano avec des influences de Yann Tiersen, Max Richter, Eric Satie. Quand j’ai terminé Traffic Lights, j’ai senti que j’avais ces 3 tableaux devant moi que j’avais réussi à mélanger sans faire un patchwork imprécis. J’ai senti que c’était très uni et cohérent.

 

Et pour la production, comment as-tu travaillé ? As-tu testé de nouvelles choses ?

Je voulais vraiment qu’on sente qu’il y ait un fil rouge très précis au niveau du son. Je suis revenu à mes premiers amours : travailler avec d’autres musiciens, passer beaucoup de temps en studio, choisir la bonne pièce avec la bonne acoustique, les bons micros, les bons instruments et s’y tenir. Je pense que ça s’entend beaucoup sur l’album. Avec mon ingénieur son Sylvain de Barbeyrac, qui travaille avec Lomepal, Superpoze et Jacques, j’ai mis un point d’honneur, à avoir une cohérence, un perfectionnisme sur les prises de son et sur le mixage pour qu’on puisse vraiment écouter l’album d’une traite sans être dérangé.

J’aimerais aborder ton rapport à l’image. En voyant la pochette de ton album, j’ai immédiatement pensé à la photo de Ladj Ly prise par JR.

Complètement. C’est l’une des références ! Il y a aussi Marc Riboud qui avait pris une photo magnifique dans les années 60 d’une femme qui se dirigeait avec une fleur à la main vers des policiers armés. Et évidemment, il y a Banksy avec le graff du manifestant cagoulé qui lance un bouquet de fleurs. J’avais ces 3 grandes références en tête. Cette pochette est une grande fierté.

Comment as-tu travaillé cette pochette ?

Ça a été beaucoup de boulot et de discussions avec LISWAYA, le réalisateur des clips de I Don’t Fit et How Did We? qui m’a accompagné sur toute la direction artistique de l’album. Je suis parti de la musique et des thèmes de l’album pour construire l’image. On voulait jouer sur les contrastes tout au long de l’album. Avoir quelque chose de très chaud et de très organique et en même temps avoir quelque chose d’assez fort qui soit représentatif de ce combat pour continuer à garder espoir. Sur la pochette, il y a ce contraste avec la photo colorée de la cover mais à l’intérieur de la pochette, on retrouve l’impact, l’acier, l’épreuve avec cet accident de voiture.

Que représente cette voiture qu’on retrouve donc sur ta pochette et dans tes clips ?

Ça a été beaucoup de discussions et de soirées avec LISWAYA. Il nous fallait un objet qui symbolise, d’une certaine manière, ma vie, une partie de moi-même, mes expériences, qui puissent aussi être idéalement un symbole de liberté et de voyage. On voulait trouver un objet qui puisse parler à tout le monde et évoquer les grandes aventures de la vie. Avec la voiture, on a tous aussi des souvenirs de départ en vacances en famille. On se sent bien et en sécurité avec ses parents qui conduisent. La voiture, c’est comme une deuxième maison mais dans laquelle tu peux aussi vivre des choses très dures, comme un accident. Les épreuves de la vie ne sont pas forcément ce qui est le plus important. Le plus important, c’est ta réaction, ta manière de faire face à ces épreuves. Je pense beaucoup aux ruptures amoureuses quand je parle de ça.

 

Retrouvera-t-on la voiture dans tes prochains clips ?

Oui, pour le clip de Fight For Love mais dans un contexte beaucoup plus chaud, autour d’un amour naissant.

Il y a également un vrai travail artistique autour de tes tenues qui sont davantage colorées.

Un artiste fait de l’image dès qu’il s’exprime. Je voulais aller un peu plus loin avec les vêtements. Ici aussi, on retrouve la démarche de Her où on était toujours en costume en hommage à la soul. Je me suis demandé ce que je voulais dire avec mes vêtements, comment je pourrai aller plus loin. J’ai eu cette idée d’un ensemble en jean et je voulais donner une liberté à un artiste peintre que j’aime. J’ai eu un vrai coup de cœur pour Julien Bernard. Les seules contraintes étaient d’avoir des visages et les paroles de ma musique sur les vêtements.

Ton album est donc un condensé de good vibes. Quelle est ta conception du bonheur ?

On n’achète pas le bonheur. Il faut réussir à se dégager de ce concept qu’on nous martèle que la réussite passerait par une grande maison, de l’argent, une voiture, une grosse télé. Le bonheur, c’est autre chose. Ça se joue au temps et à l’amour que ta famille t’accorde.

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