Après la sortie de son premier projet The Mirage révélé début octobre, on a retrouvé Sarah Manesse autour d’un thé, pour une interview joyeuse et tout en douceur. On a parlé de son EP, de comédies musicales et de l’avenir.
Salut Sarah, merci de nous rencontrer ça nous fait très plaisir de te parler ! Est-ce que tu pourrais nous présenter, en quelques mots, ton univers musical ?
C’est assez intimiste. Je préfère laisser les autres mettre des mots dessus, je ne suis pas très forte pour ça mais je dirais que c’est pop rock même si chaque chanson de l’EP a un univers différent.
Sur ta bio j’ai pu lire que tu avais grandi au Café de la Gare, dont ton père est le directeur. Est-ce que tu penses que ça a influencé ta musique ?
Je ne sais pas si ça a influencé ma musique en elle-même, mais la musique que mon père écoutait l’a fait. Au Café de la Gare ils écoutaient tout le temps Supertramp j’ai donc grandi avec cette musique. J’ai commencé par la danse classique, puis j’ai fait du hip hop avec Mia Frye, puis du jazz… J’écoutais un peu de tout et je pense que c’est cette variété qui fait que j’étais assez ouverte et m’a donné envie de tester plein de choses. Dans mon école de musique, mes profs me disaient qu’il fallait que je choisisse un style particulier mais je leur répondais que ce n’était pas obligatoire en leur donnant pour exemple les Beatles. Ils me disaient que les Beatles c’était les Beatles et je leur répondais que Sarah Manesse ça sera Sarah Manesse. Je déteste les cases et c’est peut-être grâce au Café de la Gare que je n’aime pas être mise dans l’une d’elles.
En 2011, tu es allée jusqu’en demi-finale d’X factor. Qu’est-ce que tu retires aujourd’hui de cette expérience ?
J’ai fait X factor parce qu’en revenant à Paris, après mon école de musique de Villeurbanne, je voulais faire des auditions. Je fais de la danse et du chant, donc j’ai eu envie de faire des castings de comédies musicales, mais ces auditions se sont vraiment mal passées. Je n’avais pas confiance en moi et je suis tombées sur des personnes qui n’ont pas été bienveillantes donc ça a été compliqué. Quand j’ai vu passer sur internet l’audition pour X factor je me suis dit que ça ne pourrait pas être pire que ce que je venais de vivre. J’étais curieuse de voir ce que ça pouvait donner mais je ne m’attendais pas à aller aussi loin. Mon meilleur souvenir c’est la première audition, avant les primes, lors de laquelle j’ai chanté « Les histoires d’A. » des Rita Mitsouko. C’est le seul moment où j’étais vraiment détendue et moi-même. Étant quelqu’un d’un peu stressé, à partir du moment où l’on m’a mise sur les primes je n’arrivais pas du tout à gérer le fait de me dire que derrière la caméra il y avait des millions de personnes qui me regardaient et que j’avais 3 minutes pour convaincre.
C’est vrai que du coup tu as été très rapidement dans ce milieu de la télé qui peut être très intimidant…
Oui et je n’ai vraiment pas aimé ça. En plus la raison pour laquelle je l’ai faite n’était pas la bonne… J’étais assez jeune et je voulais savoir si les gens allaient m’aimer. Ça n’est pas du tout la bonne raison pour faire ce genre d’émission. A chaque prime j’étais dans les deux derniers.ères, qui ont eu le moins de votes et qui doivent chanter une dernière chanson pour être sauvé.es. J’étais toujours dans les deux derniers.ères donc je me disais que les gens ne m’aimaient pas puisqu’ils ne votaient pas pour moi. Je me demandais ce que je faisais là. Artistiquement, sincèrement ça ne m’a rien apporté. Par contre cette émission m’a fait grandir et j’y ai vécu ma première grande histoire d’amour, en cachette. Donc juste pour ça je suis heureuse de l’avoir faite.
Tu as grandi à Paris, tu as étudié à Paris, Lyon et Londres, tu as fait des tournées en France en Belgique et en Angleterre, avant de travailler quelques années à Berlin pour finalement enregistrer ton EP à New-York… Le moins que l’on puisse dire c’est que tu as pas mal bougé. Est-ce que tu voyages pour nourrir ton inspiration ou c’est simplement que tu te laisses porter par les opportunités et les rencontres ?
Un peu des deux… Par exemple je n’aurais jamais imaginé faire un show à Berlin mais j’y ai vu une audition qui me correspondait, j’ai fait l’aller-retour et j’ai été prise. Pour Londres c’est arrivé après Sister Act, qui a été ma première comédie musicale, et qui était vraiment une expérience incroyable. Juste après Sister Act, j’ai donc passé une audition à Mogador pour les comédies musicales à venir mais je sentais les blocages qui me restaient. Je n’avais pas confiance en moi, surtout au niveau du jeu et mon rêve était de faire une école de comédies musicales à l’américaine. Broadway c’était trop loin et trop cher mais à Londres il y a du niveau. De plus j’ai toujours été attirée par Londres. J’y avais fait l’aller-retour une fois pour aller voir des comédies musicales et cette ville m’a scotchée donc, quand j’ai voulu faire une école de comédie musicale, ça m’a paru logique de chercher à Londres. J’y ai passé un an et demi, ça a été une expérience extraordinaire et ça m’a apporté exactement ce que je voulais au niveau de ma confiance pour les comédies musicales.
Depuis le début de cette interview tu parles beaucoup de comédies musicales, d’où te vient cette passion ?
Dès toute petite j’étais fasciné par Mary Poppins, Les Demoiselles de Rochefort, La Mélodie du Bonheur, etc. J’ai deux petites sœurs avec lesquelles nous sommes fan de films comme Annie, Anastasia, Poucelina, on connait toutes les chansons par cœur. Comme je danse aussi, j’étais très attirée par ça. Et puis il y a évidemment West Side Story et Cry Baby qui sont mes deux grandes références. C’est ma grande sœur Manon qui m’a fait découvrir ces deux films quand j’avais 4 ou 5 ans. Je me souviens que j’allais chez Sotha, la directrice du Café de la Gare avec mon père, pour regarder West Side Story et Cry Baby. On alternait entre les deux, quasiment tous les jours. C’est pour ça que ça fait partie de moi. Plus tard, Sister Act a vraiment été une révélation. Je me suis sentie aussi à ma place que lorsque je fais des concerts. Ce sont deux amours très différents mais tout aussi importants pour moi.
Tu as enchaîné les premiers rôles dans des comédies musicales (Sister Act, Sweeney Todd, Le Violon sur le Toit, Grease, le Vivid Grand Show). Comment on appréhende la scène en solo après ça ?
C’est stressant. En fait les deux sont stressants, je suis tout le temps stressée ! A Berlin, où je suis restée 2 ans, même la deuxième année après 250 shows je stressais comme au début ! Mais c’est trop bon. Lors du concert que j’ai fait au Pop Up avec mes musiciens (NB : la release party de son EP Mirage le 04/10/2021), un quart d’heure avant de monter sur scène je pleurais dans les loges. Je me suis vraiment demandé comment j’allais chanter. C’était tellement important, et il y avait du monde alors que je ne m’y attendais pas donc c’était beaucoup d’émotions mélangées. Je n’arrivais pas à m’arrêter de pleurer. Mais l’adrénaline et la magie du truc te portent et font que ça passe et que le temps s’arrête.
Tu as sorti ton premier EP « The Mirage » au début du mois. Pourquoi ce titre ?
La vraie réponse est que c’est dû à ma rencontre avec les compositeurs Pasek and Paul (NB : notamment paroliers de La La Land et compositeurs de la BO de The Greatest Showman). Je les ai rencontrés avant La La Land, lors d’une masterclass qu’ils animaient à Paris. Je ne les connaissais pas mais quand j’ai vu l’événement sur internet je suis allée écouter leur musique. Ça m’a tout de suite touchée donc je me suis inscrite. Le premier jour je leur ai chanté une de leur chanson et ils ont eu un coup de cœur pour moi. On est tous allé au restaurant avec les participants de la masterclass, et j’étais assise à côté d’eux, ils vont voulu apprendre à me connaître. Moi j’étais gênée, surtout qu’avec les américains ça va très vite. Quand ils te demandent qui tu es, il faut les accrocher vite sinon ils passent à autre chose, donc je leur ai montré quelques images du clip de « Lana », que j’avais fait à l’époque avec mon cousin Lou Faulon, et ils ont trouvé ça beau. Je leur ai aussi dit que j’avais fait X factor, que je faisais du hip hop et des pâtisseries et, en 5 min, ils m’ont dit « you’re too good to be true » et m’ont appelé The Mirage. Ils m’ont invité 3 jours après à chanter avec eux à Londres, à l’Hippodrome Casino en tant qu’invitée. Je pensais qu’il y aurait plein de guest mais on était 4 et les 3 autres étaient des stars du West End. C’est vraiment un des plus beaux jours de ma vie, le souvenir auquel je me raccroche. Quand ça va ne pas, je me dis ok il y a Pasek and Paul qui croient en toi ça va aller !
Quand j’ai mis en place les titres à New York, ce dont ils parlent, ces histoires d’amour un peu impossibles qui disparaissent très vite, j’ai repensé à ce mot. Je n’avais pas envie de l’utiliser comme eux… ça ferait très égocentrique. Par contre faire le rapprochement avec ce que je raconte et l’associer aux hommes dont je parle dans mes chansons je trouvais ça hyper juste, intéressant et c’était un bon clin d’œil à notre rencontre.
C’est vrai que tu as un profil complet et atypique. Tu fais de la danse, du chant, de la comédie musicale, du hip hop. Tu as une formation rock, tu es passée par X Factor… Est-ce que cette multi-identité vient d’une volonté de faire voler en éclats les cases pour qu’on ne puisse pas te mettre dans un style particulier ?
Je ne suis pas atypique parce que je me suis dit « je veux être atypique ». On ne m’a juste jamais dit que je ne pouvais pas faire quelque chose. J’ai eu la chance de grandir dans une famille d’artistes dans laquelle ils étaient vraiment contents que je touche un peu à tout. J’ai suivi mes envies au fur à et mesure de la vie. C’est ce qui donne ce mélange. Ça vient également des artistes que j’admire. Kate Bush par exemple dont les albums sont hyper différents, Fiona Apple également, Pj Harvey, Joni Mitchell, les Beatles, etc, il y a des artistes qui ne se posent pas la question, qui n’ont pas de limites et ça m’inspire.
Qu’est ce qui t’a poussé à écrire et composer tes propres chansons ?
Avec ma meilleure amie à 14 ans on est tombé sur un film qui s’appelle Josie and the Pussycats. C’est un film parodique, sur la musique pop avec trois rockeuses. Quand on a vu ça, on s’est dit qu’on voulait être comme elles. On était tellement fan qu’on est même allé chez le coiffeur tout de suite après pour faire la même coupe ! On a demandé à nos pères de nous offrir une guitare et, pour le fun, on a commencé à essayer de composer des chansons. Ça ressemblait énormément au style du film à l’époque, c’était très très pop. Le meilleur ami de mon beau père avait un studio d’enregistrement à Paris et, à 15 ans, il nous a proposé de venir enregistrer au studio. Il y a des chansons qui sont trop mignonnes, comme on peut se l’imaginer à 15 ans. J’essaierais de caser ces chansons quelque part un jour ! Comme on était tout le temps collé ensemble, on composait et ça nous plaisait. On avait des plutôt bons retours sur la maquette que l’on avait faite donc on a commencé à faire plein de concerts, dans la rue et dans des petits bars à Paris. Après le bac on a décidé de faire une école de musique à Villeurbanne. On a choisi celle qu’on a faite parce qu’il y avait un département rock et musiques actuelles.
Tu parlais des hommes de ta vie qui t’ont inspiré, ce sont tes relations qui t’inspirent tes textes où c’est l’univers autour de toi, ce que tu vis et ce que tu traverses ?
Ce sont les émotions fortes qui m’inspirent. Du coup c’est souvent dans des relations, ou des non relations d’ailleurs que je trouve l’inspiration. Sur « I Love a Clown » par exemple je parle de quelqu’un avec qui je n’ai rien vécu mais pour qui je ressentais un truc vraiment puissant et physique. Cette histoire c’est un coup de foudre très fort que j’ai eu à 17 ans et il fallait que j’écrive là-dessus, parce que je n’avais jamais ressenti ça avant. Je bégayais, je perdais mes moyens… D’ailleurs je pose encore la question aux gens : « Est-ce que vous avez déjà ressenti ça ? » parce que je pense que tout le monde n’a pas encore ressenti ce truc très chimique et physique, que tu ne contrôles pas et qui te rend complètement hors de toi.
Sur ton EP tu mixes des univers différents : très rock sur « Sweetie », presque burlesque avec « I Love a Clown », mystique avec « Aslan »… Mixer les univers et ne pas se mettre dans une case c’est ce qui te caractérise mais en général il y a quand même une couleur globale sur un même projet. Est-ce qu’il y a eu un travail après pour coordonner tout ça où est-ce que tu as juste tout assemblé et ça matchait naturellement ?
On a choisi les chansons ensemble avec Doug Yowell, le mec qui m’a invité à enregistrer dans son studio. Nous n’avions pas beaucoup de temps donc il y a des chansons que l’on n’a pas pu mettre dans l’EP. On les a aussi choisies par rapport à ses préférences, sans trop réfléchir. Une fois qu’on avait la liste, je pense que c’est aussi beaucoup le travail de Mark Plati, qui s’est occupé du mixage, qui a été incroyable parce que c’est vrai que ça aurait complètement pu ne pas être cohérent. Il y avait des nouvelles chansons, des anciennes, il y avait « Aslan » avec juste des percu… Mais je t’avoue que j’ai fait confiance aux personnes avec qui je travaillais.
Tu as un titre en français « Aslan », mais tout le reste de ton EP est en anglais, qu’est ce qui te pousse à écrire essentiellement en anglais ?
J’ai d’autres chansons en français, notamment une autre que j’aime bien et, dans le futur, j’aimerais écrire plus en français. C’est peut-être inconscient d’écrire d’abord en anglais parce que, pendant toute cette période de concerts, de mes 15 ans à aujourd’hui, avant le Pop Up, j’avais l’impression qu’en France ma musique ne parlait pas. Je n’ai jamais eu d’enthousiasme quand je faisais écouter mes chansons. On me disait que c’était trop compliqué et qu’il fallait que je fasse des chansons plus format radio. J’ai travaillé avec Tristan Salvati (NB : producteur pour Angèle, Clara Luciani, 47 Ter…) qui a pris toutes mes chansons et les a complètement remaniées. Ce n’était pas mauvais mais quand je suis rentrée chez moi et que j’ai écouté je me suis dit que ce n’était plus du tout mes chansons, ça n’était plus moi. Faire de la comédie musicale c’est aussi une chance sur ça parce que je n’ai pas ce besoin impératif que ça marche étant donné que je fais plein de choses à côté. C’est pour ça que je me laisse cette liberté en me disant que ma musique touche les gens qu’elle touche et que ce n’est déjà pas mal.
Ton EP est totalement auto produit, pourquoi ce choix de tout faire en indépendante ?
J’avais testé d’envoyer ma démo à des labels et je n’ai jamais eu de réponse donc au bout d’un moment j’en ai eu marre d’attendre. J’avais envie de sortir mon EP donc je me suis lancée. J’ai tout payé (le mix, les clips, l’aller-retour à New-York…) sauf l’enregistrement parce que j’ai eu l’immense chance que Doug me laisse enregistrer gratuitement chez lui.
Après ce premier EP, c’est quoi la suite de l’aventure ? Un album peut être ?
Oui c’est le projet. Là je suis un peu sous l’eau parce que je viens de signer un contrat pour faire « Disney en concert » mais je pense qu’en novembre ou décembre je vais pouvoir me remettre à l’écriture. Avec mes deux musiciens on va sûrement aussi faire un petit concert en décembre dans un bar, pour ne pas se refroidir. Mais oui, pour l’album l’envie et le projet sont là !