Une dizaine de jours après la sortie de leur premier album, on a rencontré trois des six membres du groupe Animal Triste. Avec une bonne humeur communicative, Mathieu, Darko et Cédric nous ont fait découvrir leur univers.
Pour commencer, pouvez-vous nous présenter Animal Triste et nous expliquer ce choix de nom ?
Darko : Originellement, nous sommes six mais aujourd’hui tu as trois animaux devant toi. Mathieu est à la batterie. Cédric est guitariste et batteur à la base mais il s’est mis à la basse pour ce projet. Je suis en charge des claviers et de quelques guitares par-ci par-là.
Mathieu : C’est Yannick, notre chanteur, qui a trouvé le nom. La base du truc était de repartir sur le rock, sur quelque chose d’assez organique, d’assez animal. Et puis, on s’est dit que c’était une époque un peu douloureuse, un peu triste pour faire du rock. On a collé les deux et voilà Animal Triste.
Darko : Nos chansons sont en anglais. On trouvait que cette petite touche de français était cool pour garder cette double casquette.
Votre premier album est sorti il y a quelques jours. Comment vous sentez-vous ? Et qui plus est dans ce contexte particulier ?
Cédric : Pour moi, c’est un peu particulier parce que c’est la première sortie d’album que je vis et c’est super. Je n’ai pas fait d’autres projets qui ont émergé. La musique n’est pas mon métier. Effectivement, la période est bizarre mais, à titre personnel, sortir un disque est déjà un aboutissement. Il a une saveur particulière parce que c’est vraiment un projet de potes qui me tient à cœur… On s’est d’abord trouvés humainement parce qu’on se connait et qu’on s’apprécie. Puis, le projet a mûri et abouti par l’ajout des uns et des autres.
Darko : Malgré cette année particulière, on a enregistré, on a fini de mettre en boite la veille du premier confinement ; alors qu’on sentait déjà un climat apocalyptique.
Mathieu : On a passé trois jours à faire ce disque, c’était la folie. Quand ça sort, t’as un truc où tu remets tout en perspective. Cet album, on l’a fait vite, dans la joie, avec des packs de bières, des copains, des vrais instruments. C’est un peu résistant de sortir ce disque aujourd’hui, un album avec des vrais instruments. On sait ce qu’il s’est passé et on est hyper fiers.
Tout semble s’être déroulé de manière très spontanée …
Cédric : On avait des squelettes de morceaux mais chaque jour contribuait à les façonner. On n’avait pas d’idée préconçue de ce que ça donnerait. A la veille du premier confinement, en partant du studio avec Mathieu, on a récupéré les morceaux et on s’est dit que c’était super mais qu’on ne savait pas si on avait l’ombre d’un single là-dedans.
Mathieu : Ce qui est dingue, c’est que Darkette – qui est en ouverture de l’album – est le dernier morceau qu’on ait fait. C’est un riff de Darko qu’il m’avait envoyé il y a un an. On avait fini d’enregistrer quasiment toutes les chansons. J’ai proposé qu’on joue ce morceau et ça a été instinctif.
Comme vous le disiez, c’est un projet de potes. Vous venez tous de formations différentes comme Darko et La Maison Tellier. Comment votre collaboration à six est-elle née ?
Cédric : C’est un projet qui est dans les cartons depuis longtemps. Mathieu, Fabien et Yannick avaient fait des ébauches des morceaux il y a deux ans que je trouvais super mais ils avaient chacun leurs projets, différentes choses à faire. Un jour, je leur ai demandé s’ils avaient fait quelque chose de ces morceaux et je leur ai proposé d’essayer de voir ce que ça pourrait donner de les jouer. Finalement, on s’est pris au jeu et ça a mis le feu aux poudres.
Darko : On se connait depuis de nombreuses années, depuis la fac. On avait tous des groupes de hardcore, de noise … qui ne correspondaient pas encore à un format festival mais plutôt à un format pub ou café-concert, et dont les esthétiques étaient un peu plus sauvages.
Mathieu : C’était super et on est tous restés très potes. Après, la vie à fait que Cédric est devenu architecte, des potes ont fait d’autres trucs. Effectivement, il y a eu aussi d’autres groupes comme La Maison Tellier, Darko, Radiosofa. On a aussi vaqué et accompagné d’autres artistes. Animal Triste, c’est vraiment un truc de potes. C’est la base de toutes façons. Quitte à faire du rock&roll aujourd’hui – ce qui ne représente pas une manne financière hallucinante – autant vraiment le faire avec tes potes.
N’est-ce pas compliqué de travailler à six ? Arrive-t-on toujours à se mettre d’accord sur le style, le ton à donner, l’énergie qu’on veut transmettre ?
Darko : C’est un calvaire. Mais, on en revient à notre amitié. C’est fou parce que c’est hypra démocratique. C’est un projet qu’on porte vraiment dans nos petits cœurs donc chaque idée est bonne à prendre. On a une confiance aveugle les uns envers les autres.
Mathieu : C’est la base. Je sais que Darko ne va pas poser des notes de reggae sur un morceau ou que Cédric ne va pas faire du Red Hot sur un morceau triste. C’est vraiment fluide.
Cédric, tu t’es donc mis à la basse pour ce projet ?
Cédric : Quand le jeu en vaut la chandelle, tu te demandes si tu serais capable d’apporter quelque chose. Je pensais pouvoir amener quelque chose avec ce que je savais faire, quitte à travailler pour atteindre le niveau nécessaire pour ce que je voulais faire. C’est aussi un peu le challenge. C’est un projet vraiment intéressant et comme je le disais ce sont mes potes, s’ils m’avaient demandé de jouer du triangle je l’aurais fait aussi.
Certains d’entre vous ont collaboré avec d’autres artistes (Julien Doré, Marc Lavoine …) dont les univers s’éloignent de celui d’Animal Triste. Ce projet est-il une manière de vous émanciper et d’affirmer votre propre identité ?
Mathieu : Oui, il y a un peu de ça. Ça ne veut pas dire qu’on a passé de mauvais moments, ça n’a rien à voir avec ça. Mais, on est des enfants du rock, on est nés avec ça, le premier feu est là. A un moment, il faut que tu rendes à la musique ce qu’elle t’a donné. Jouer les chansons des autres c’est cool, mais à un moment tu te dis que ce n’est pas toi. C’est ce qu’on a eu envie de retrouver. Le rock est toujours là mais il est loin, il est caché. A nous d’y faire quelque chose. Et surtout, on se disait que c’était nul de gueuler sur les trucs pourris qui sortaient, c’est comme ça que tu deviens un vieux con aigri. Plutôt que de gueuler, tu te dis « bah, je vais faire, comme ça je n’en voudrais à personne à part à nous ».
On ressent quelque chose de brut, d’assez instinctif quand on écoute l’album, un peu à la manière du rock très pur que l’on pouvait entendre il y a quelques années. Était-ce volontaire de renouer avec une certaine esthétique du passé ?
Darko : On parlait des projets résistants dans le sens où si l’on ne fait rien, la musique qu’on n’aime pas et sur laquelle on peste à longueur de journée a gagné. Aujourd’hui, tout est fait sur Ableton, sur un laptop. C’est justement en réaction à ça qu’on a fait ce disque « à l’ancienne » avec de vrais instruments. On s’est enfermés dans un studio avec une vraie batterie, des vraies guitares pour jouer en conditions live. J’hallucine quand Mathieu dit qu’on a fait ce disque en trois jours. Faire un album « à l’ancienne », c’est encore faisable, c’est encore possible et c’est clairement assumé même si aujourd’hui quand tu le fais, t’as l’impression de jouer une musique de dinosaure
Cet album a donc été produit sans logiciel, ni ordinateur…
Mathieu : Quand t’es en studio avec les ordinateurs, tu peux facilement corriger une note, tu peux très vite refaire ce genre de choses. On était en studio avec David Fontaine qui est très à l’ancienne mais dans le très bon sens du terme. C’est-à-dire que ce mec est très fan de Nick Cave, The Cure ou même de la noise des années 90-2000… Il n’est pas passéiste mais c’est vraiment son truc. Quand tu joues et que tu lui demandes « Ah tiens, tu peux me reprendre ce passage là ? », il te répond : « Non, tu le refais ».
Darko : Ça s’appelle un accident et c’est cool. Il a raison.
Mathieu : On est tous potes, on n’a pas de pression et c’est ce qui est cool. Tu sais que tes potes ne vont pas te juger si tu te plantes. On joue, dans tous les sens du terme. C’était assez instinctif.
De la même manière, vos clips (Shake Shake Shake, Wild at Heart, All About ou Vapoline) sont réalisés avec des extraits de vieux films oubliés des années 80. Êtes-vous nostalgiques de cette période ou au contraire est-ce un hommage à cette époque pour mieux aller de l’avant ?
Darko : La partie image est vraiment très importante dans Animal Triste donc ça tombe hyper bien que tu poses cette question.
Mathieu : On est aussi fans de ciné. Je peux avoir un petit côté nanard un peu chelou. Quand j’étais gosse, j’habitais à côté d’une vidéothèque et j’étais toujours fasciné par les VHS des films tout pourris. Je regardais surtout ces VHS parce que ça me rendait dingue. Comme les mecs savaient que ça n’allait pas être regardé, ils se lâchaient complètement sur l’artwork. Ce sont des films de losers mais qui ont un côté attachant et qui m’ont marqué.
Vous passerez à la Maroquinerie en novembre 2021. Quels sont vos projets en attendant cette date ?
Darko : Les projets initiaux étaient de sortir cet album, de faire une petite tournée un peu avant, un peu pendant et un peu après. On a gommé le avant, le pendant et l’après ! A la base, cette Maroquinerie avait était programmée cet automne puis a été reprogrammée au printemps prochain et manifestement se tiendra plutôt à la rentrée 2021. On ne va pas faire trop de plans sur la comète mais tout est reporté et pas annulé. On va être pas mal occupés les prochains mois. On s’affaire à composer un petit EP pour accompagner cette dynamique et qui sortira probablement aux beaux jours prochains. Ne pas rester sans rien faire en attendant que le monde aille mieux.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Mathieu : Des dates surtout.
Darko : Même une petite fête de la musique, un truc avec des gens debout, sans masque. Mais pour de vrai, tout allait bien et tout ira bien.