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Interview : Antonin Appaix

Interview : Antonin Appaix

Quelques jours avant la fin du confinement, on a discuté avec Antonin Appaix, dont le premier EP Aquaplaning sortira le 24 juin prochain. Antonin nous a parlé de sa passion pour la pêche sous marine, de sa playlist italienne et de ses racines marseillaises.

Comment vis-tu cette période de confinement ?

Je suis dans un endroit assez confortable en Ardèche, avec ma copine, dans une espèce de grange au milieu de la forêt. J’ai de quoi travailler,  je suis venu avec des synthés et un peu de matériel. Je le vis assez bien étant donné les circonstances de mon confinement.

Arrives-tu à trouver de l’inspiration ?

Ça a été un moment propice pour prendre du recul. Au début, ça été un peu dur de travailler mais là, ça s’est bien enclenché. Quand on s’extrait de son environnement citadin et du monde de la musique que je fréquente peu, t’es plus connecté à tes émotions et tu as plus de temps pour laisser ton esprit vagabonder. Parfois, ne pas être face aux paysages ou aux émotions dont on a envie de parler permet de l’aborder plus facilement. Je parle beaucoup des paysages méditerranéens, ça a grandi dans mon travail car j’étais toujours à faire la bascule entre Marseille et Paris. Je n’écris pas sur ces sujets quand je suis à Marseille. C’est la distance qui permet de fantasmer et d’idéaliser cet univers.

Le confinement m’a fait beaucoup de bien même si parfois c’est stressant parce qu’on s’inquiète pour ses proches.

Comment occupes-tu tes journées ?

J’ai fait une playlist de variétés italiennes. J’ai regardé beaucoup de films de Nanni Moretti, dont je suis un grand fan. J’ai fait une chanson un peu disco, composée de samples de films de Nanni Moretti. J’ai essayé de nouvelles choses. J’ai fait une reprise de Aïcha de Goldman et Khaled et je me suis essayé à Henri Salvador que je vais peut-être enregistrer. Je me sens un peu décomplexé donc c’est plutôt cool.

J’ai un peu changé ma manière de travailler en m’orientant sur quelque chose de plus urbain, avec plus de samples donc c’est super intéressant. Je commence à avoir du matériel pour penser à un 2ème EP ou un premier album.  C’est vraiment un moment cool parce que je suis en train de réfléchir à comment j’ai envie de le créer, si j’ai envie de travailler avec des producteurs ou tout seul, faire intervenir des musiciens différents de ceux avec lesquels j’ai l’habitude de travailler (qui sont des amis).

Peux-tu nous parler de toi, de ton parcours et de tes influences ?

J’ai commencé la musique quand j’avais une quinzaine d’années. Je n’ai pas saisi la chance donnée par mes parents d’apprendre un instrument sérieusement. Je n’étais pas très assidu et j’étais plutôt intéressé par la pêche et la chasse sous marine. Ensuite, j’ai eu plusieurs groupes de punk qui ont fait des petites tournées, on avait un label, on faisait des 45/33 tours et des vinyles. Ça a été une grande période qui a duré jusqu’à 3/4 ans.

Chez moi, il y a toujours eu beaucoup de musique. J’ai beaucoup écouté de variété française, de jazz, de free jazz, de chants siciliens. Et a coté de ça, j’étais à fond dans le rock. A la base,  je chantais super faux, donc en me réfugiant dans le rock, ça m’a permis de passer au-delà de la technique et d’exprimer ma passion de la musique.

Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir musicien ?

A côté de la musique qui était un hobby assez présent dans ma vie, j’ai fait des études de cinéma puis j’ai passé les concours pour les beaux-arts. J’étais complètement parti pour être un plasticien ou pour écrire mais je n’avais pas pensé faire de la musique à plein temps. Ce qui a déclenché mon envie de devenir musicien, c’est lorsque je me suis aperçu que j’oubliais le temps, que je m’oubliais complètement en faisant de la musique, que je ne forçais pas  mes envies,  je ne cherchais pas mes idées, ça coule naturellement. Ce n’est pas la fin de mon travail de plasticien, c’est juste que j’ai changé de medium.

J’étais très excité par les machines qui m’ont toujours plu (les synthé, les guitares, les micros). J’ai appris à enregistrer, j’ai acheté des synthés, des amis musiciens m’ont donné des formations super sommaires. Au début, je n’avais pas de label, j’étais seul et ça a été super excitant d’apprendre à jouer des instruments, de faire fonctionner un micro, de faire des clips. J’ai ensuite rencontré Cracki par hasard à la plage à Marseille, ils m’ont invité au Mirelo festival qu’ils organisent. On a longuement discuté, ce qui a permis de pérenniser cette idée que je voulais faire de la musique.

Ton premier EP Aquaplaning va sortir le 24 juin prochain. Peux-tu nous le résumer en quelques mots ?

C’est un journal intime romancé dans un univers où fusionnent les fonds marins et les rues. C’est ce décor précis, un peu hybride, urbain et sous marin que j’ai en tête. Ce sont mes histoires d’amour un peu fantasmées, mélangées avec des vraies et des fausses histoires.

Comment l’as-tu travaillé ?

Je suis un peu monomaniaque. Mon processus de création est dirigé par les mêmes émotions. Avec mon passage aux beaux-arts, je pense qu’une œuvre d’art doit être basée sur des émotions fortes, intimes et sincères. En musique, l’environnement naturel est important pour moi, que ce soit la ville ou la mer. Je suis passionné de biologie marine et de nature ce qui nourrit vachement mes chansons. J’essaie de me souvenir des histoires d’amour que j’ai pu connaitre. Je pense souvent à l’enfance et l’adolescence, périodes que j’ai beaucoup idéalisées parce que j’étais très libre.

Mon processus de travail est assez décousu. Je fais les textes et la musique en même temps mais pas à-coups. Je commence à écrire une suite d’accords puis je commence à écrire un beat dessus et j’écris le couplet que j’enregistre. C’est le  premier bout de la chanson. Ensuite, je vais essayer d’aller plus loin. Je travaille sur plein de chansons en même temps.

On retrouve beaucoup de références à l’eau, à la mer, au Sud, à Marseille dans tes chansons. Ce sont tes principales sources d’inspiration ?

C’est la toile de fond de mes émotions. Il y a des choses un peu cachées dans mes chansons (comme des souvenirs douloureux) qui provoquent des émotions fortes ce qui déclenchent l’écriture de mes chansons. C’est assez bizarre parce que j’écris beaucoup mes textes en écoutant du rap. Aujourd’hui en France, les rappeurs sont les seules personnes qui ont une qualité littéraire dans la musique. Ce sont souvent des choses magiques et cachées dans un océan de conneries. Par exemple, Rétro X injecte beaucoup de trucs complètement cosmiques et religieux dans des choses qui sont l’écosystème normal classique du rap avec ses stéréotypes. Cette confrontation est hyper intéressante car elle stimule souvent mon envie d’écrire et mon imaginaire.

J’aimerais diversifier et enrichir cet univers. Il y a plein de questions qui se posent. J’aimerais injecter des choses un peu plus politiques dans mon travail, parler de la question de la centralisation, du fait de vivre en Ile-de-France en ayant des racines très fortes, d’avoir un bagage culturel un peu différent.

Quels ont été tes coups de cœur durant le confinement ?

Pino D’Angio : Dans l’album Lettre à Federico Fellini qui est un disque enregistré en français et en italien, il y a un morceau qui s’appelle Papillon qui est assez kitsch mais que je trouve assez ouf.

 

La Zowi : Filet Mignon

 

Brian Eno : By This River

 

Gavin Bryars : Jesus Blood Never Failed Me Yet qui est un morceau un peu barré qui dure 25 minutes, basé sur un sample d’un ivrogne qui chante dans la rue. Il y a un quatuor à cordes par dessus la voix et c’est très beau et super émouvant.

 

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

De faire un disque qui soit vachement bien avec de bonnes chansons, de bons concerts, m’améliorer sur scène et d’obtenir des conditions de travail pour permettre à mes chansons de s’améliorer.

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