Interview : Natacha Batoussova, co-organisatrice de La Crème Festival
Rédactrice Photographe
J-3 avant la première édition de La Crème Festival qui se déroulera du 28 au 30 juin dans la très jolie rade de Villefranche ! On a voulu en savoir davantage sur ce festival les pieds dans l’eau. On est donc allés à la rencontre de Natacha Batoussova, co-organisatrice du festival.
Bonjour Natacha. Peux-tu nous dire qui sont les organisateurs du festival ?
Je m’appelle Natacha Batoussova, je suis à l’origine et l’une des co-organisatrice de La Crème Festival. J’ai embarqué 4 copains dans l’aventure, qui sont également associés dans le projet.
Il y a 2 ans, j’ai crée avec Camille et Robin, mon conjoint, l’agence La Crème qui est axée sur la mode, l’art de vivre, la culture, le cinéma et le sport. Nous bossons dans ce milieu depuis 10 ans. Camille est basée à Paris, spécialisée dans l’événementiel et le cinéma et a notamment bossé pour le festival de Cannes. Robin a organisé des gros événements publics (marathon de Paris, Tour de France …).
Ensuite, sur La Crème Festival, 2 autres copains niçois ont rejoint l’aventure : Yoann et Allan, associés du bar l’Altra Casa.
Comment vous êtes-vous organisés ?
Nous avons mis en commun toutes nos compétences.
Camille possède une expertise dans les RP, Robin s’occupe de tout le volet institutionnel et j’ai développé une expertise dans l’organisation d’events. J’ai beaucoup bossé dans des festivals de musique comme Calvi on the Rocks, We Love Green, Cabourg mon Amour, Rock en Seine qui m’ont donné l’amour des festivals. Ce sont des festivals plutôt diurnes, orientés musiques indés, qui font la promotion d’artistes émergents et dans lesquels on peut vivre autre chose que de la musique. Enfin, Yohan et Allan sont chargés de l’offre food et bar.
Comment as-tu découvert Villefranche ? Pourquoi avoir choisi ce spot ?
J’ai découvert Villefranche il y a 2 ans. Robin (qui est originaire de Nice) et moi vivions encore à Paris. Nous étions en vacances à Nice. Robin m’a montré la citadelle de Villefranche et je suis tombée des nues tellement c’était beau. Je me suis dis qu’il était impossible qu’il n’y ait pas de festival dans ce lieu.
A l’époque, organiser un festival était déjà une idée qui me trottait dans la tête. Mais à ce moment là, c’était juste un désir, un projet. Quand j’ai découvert la citadelle, ce désir est devenue une évidence. La rade est petite, c’est un cocon merveilleux pour accueillir un festival. Tu peux tout faire à pieds, piquer une tête puis profiter des concerts le soir ou faire une partie de pétanque en haut de la citadelle.
Depuis combien de temps bossez-vous sur l’organisation du festival ?
Nous bossons sur le festival depuis 1 an mais je m’y consacre exclusivement depuis 8 mois.
Comment s’est organisé le financement du festival ? Avez-vous reçu des subventions ? Avez-vous eu des difficultés à trouver des sponsors, partenaires ?
Nous avons découvert l’organisation d’un festival au fil de l’eau.
Nous sommes des organisateurs d’évènements depuis 10 ans, c’est notre expertise. Mais, c’est la première fois que nous organisons un événement indépendamment d’une grosse structure.
Nous n’avons reçu aucun financement. Nous avons auto-financé le festival. Nous avons mis l’apport initial nécessaire pour commencer à enclencher les choses (pour créer un site internet, faire bosser des graphistes, acheter un nom de domaine …).
Même si nous bossons dans le milieu depuis longtemps et que nous connaissons des directeurs marketing de marques qui travaillent sur des festivals, peu de gens nous ont suivis car cela peut être risqué de suivre sur la première édition d’un festival. Villa Schweppes et Heineken ont accepté d’être nos partenaires car ils connaissent la qualité de notre travail et les évènements que nous avons produits quand nous vivions à Paris l
Quel a été le schéma économique du festival ?
Quand tu commences à monter ton projet, tu te rends rapidement compte qu’il faudra sortir de l’argent. C’est un gros risque car la programmation peut ne pas se faire, les bookers peuvent refuser de booker les artistes. Il faut convaincre tout le monde. Chaque jour est une victoire !
La plupart des artistes programmés sont des copains. Nous avons donc pu compter sur quelques noms pour commencer à construire le projet et se rassurer. Quand les premiers artistes acceptent de participer, tu peux commencer à démarcher les marques (que nous connaissions aussi pour la plupart). A partir de ce moment, tu commences à créer l’économie de ton festival. Ensuite, quand le line up est définitivement arrêté, tu peux communiquer dessus, tu commences à vendre des billets, tu commences à avoir de l’argent qui rentre qui permet d’avoir un peu de tréso pour payer les autres frais inhérents au festival.
Qu’est-ce qui est le plus dur dans l’organisation d’un festival ?
Franchement, tout !
Avez-vous rencontré des difficultés dans l’organisation du festival (oppositions de la mairie ou autres) ?
Quand tu crées un festival, c’est un vrai combat car tout est un obstacle qu’il faut surmonter !
Dans un premier temps, il faut convaincre les institutionnels. La mairie de Villefranche a toujours refusé l’organisation d’un festival. Les six premiers mois, toutes les deux semaines, nous avons fait des présentations à tous les élus, tous les services de la mairie jusqu’à ce que le maire accepte.
Ensuite, il faut construire le line up qui est aussi un combat en tant que tel. Heureusement, nous travaillons en collaboration avec des supers personnes. J’ai été aidée par Edouard Rostand qui m’a aidée pour la programmation. On a échangé pendant plusieurs mois pour construire le line up en fonction de ce qu’on aimait, des artistes qui étaient en promo et qui tournaient en festivals et de ce qui allait coller avec que nous voulions.
Vous êtes-vous inspirés d’autres festivals ? Si oui, lesquels et pourquoi ?
Oui, complètement ! Calvi on the Rocks et We Love Green m’ont donné l’amour des festivals, ont été fondateurs et des modèles pour créer La Crème Festival.
Calvi on the Rocks : j’ai participé à plusieurs Calvi au moment où le festival était déjà très structuré mais qui avait encore conservé un côté bric à brac et bohème. J’y ai passé les plus beaux étés de ma vie.
La Crème Festival est aussi structurellement proche de Calvi on the Rocks. Le spot est proche de la mer, il y a ce coté très méditerranéen, des activités en extérieur la journée. Ensuite, tu enchaînes les concerts le soir au théâtre de verdure. Globalement, en termes de capacité, Calvi peut accueillir 2,000 personnes au théâtre de verdure mais chaque année, le festival draine 15,000 personnes qui viennent sur la plage. Cette affluence est similaire à la capacité d’accueil de la Crème Festival grâce à la rade située à proximité de la citadelle où auront lieu les concerts.
We Love Green m’inspire beaucoup. J’aime le fait que le festival soit tourné vers la nature et très familial. Il offre une nouvelle proposition à une génération de fêtards qui a trainé ses baskets en festivals, qui sont parents aujourd’hui et qui souhaitent continuer à écouter leurs artistes préférés, dans un contexte plus diurne, en étant avec leurs gamins, en train de confectionner des couronnes de fleurs.
Même si nous ne sous revendiquons pas comme un festival aussi « green » que We Love Green, nous sommes aussi très tournés vers la nature, nous sommes des amoureux du vert, de la mer, de notre plage, de notre environnement. Nous essayons de continuer à les préserver chacun dans la mesure de ses possibilités et de sensibiliser les autres à l’amour de la nature en proposant notamment des ateliers de potagers pendant le festival. Nous nous entourons aussi de gens et d’acteurs qui ont une démarche éco-consciente. Par exemple, des paddles pourront être loués pendant le festival auprès de Azur Paddle Days qui fait de la sensibilisation à la préservation des océans, des beach cleaning …
Quelle est l’affluence attendue ?
On attend 1,300 personnes par jour au théâtre de verdure de la citadelle.
Il faut savoir qu’il y a aussi des possibilités d’extension sur la plage, dans la rade sur les premières années et c’est ce que nous souhaitons pour les prochaines éditions. Mais j’ai aussi envie que le festival conserve son charme et son coté très authentique.
Qu’avez-vous pensé de l’annulation de la seconde édition du festival Biarritz en été ?
Nous avons été peinés pour les organisateurs que nous connaissons bien. Mais l’annulation de Biarritz en été ne nous a pas affectés pour l’organisation du festival en tant que tel car nous étions suffisamment avancés dans notre projet pour savoir que le festival tiendrait la route.
Pour une première édition, le line up est assez lourd (Busy P, Breakbot, Myd, Cut Killer, Bon Entendeur), comment avoir convaincu les artistes de venir ?
Il faut être très convaincant et j’étais hyper convaincue. Je leur ai dit qu’ils passeraient un moment incroyable, que la rade est magnifique, que le lieu est sublime et qu’ils découvriraient un village pittoresque car c’est un ancien village de pêcheurs.
Le line up est exclusivement franco français, la direction artistique du festival s’oriente-t-elle vers la promotion de la scène française ?
Nous n’avions pas exclu la scène internationale mais nous avions envie de faire un festival de potes et de potes de potes. Et, il s’avère que nous avons un lien direct ou indirect avec quasi tous les artistes programmés.
Nous avons mis des têtes d’affiche que nous aimions mais qui faisaient aussi sens pour les gens. Nous avons monté la programmation de telle manière à ce qu’il y ait une grosse tête d’affiche, une moyenne tête d’affiche et un coup de cœur issu de la scène émergente. En procédant de cette manière, la tête d’affiche garantie la vente d’un certain nombre de billets et cela permet aux gens de découvrir de nouveaux artistes émergents.
Quels artistes rêverais-tu de recevoir pour les prochaines éditions ?
Il y en a tellement !
Cette année, notre programmation est plutôt orientée sur de l’électro accessible avec notamment Kazy Lambist ou Lewis Ofman.
J’habite à Nice depuis 2 ans, je ne connais pas encore très bien le public niçois mais j’ai essayé de faire des choses qui pouvaient plaire, que j’aimais et qui répondaient à des goûts que je pensais avoir identifié chez le public niçois.
Mais, je rêverais d’avoir LCD Soundsystem pour aller vers un univers plus électro rock. C’est un groupe que j’ai beaucoup suivi et vu au cours de ces 10 dernières années.
J’adore Rosalia, c’est un vrai coup de cœur parce que je suis passionnée de flamenco. Elle a réussi à transformer le genre de manière très contemporaine sans dénaturer le flamenco originel qui coule dans ses veines.
J’adore James Blake. J’ai des souvenirs fabuleux. Je me souviens l’avoir vu à We Love Green. J’étais au fond de la scène, derrière lui et je voyais tout le public devant lui, c’était une expérience folle.
J’aime beaucoup Flavien Berger que j’ai hésité à programmer. Mais, j’ai eu peur que cela soit peut-être un peu trop pointu.
Quelles sont les mesures éco responsables qui ont été prises ?
Cette question est très délicate. Je fais attention à ne pas faire de green washing mais on propose un festival qui fait la part belle a l’environnement, à l’eau, la verdure, la nature, la montagne. Dans ce souci, nous nous sommes procurés des éco cup, nous bossons avec Azur Paddle Days, le tri sélectif sera mis en place. Nous incitons fortement les gens à ne pas prendre leur voiture et à venir en train. Nous avons mis en place un code promotionnel avec ladies drivers.
Pour la food, qui ont été vos fournisseurs ?
Nous avons travaillé avec l’Altra Casa qui a supervisé l’ensemble de l’offre food et bar.
Nous avons effectivement travaillé avec des commerçants de Nice et de Villefranche et Bioman qui est une épicerie niçoise bio éthique et responsable. Nous voulions vraiment mettre l’accent sur la gastronomie locale régionale en mettant en avant le patrimoine azuréen (pissaladière, pan bagnat, socca).
Quels sont tes meilleurs souvenirs de festival ?
J’en ai 3 :
Calvi on the Rocks : l’année où j’étais partenaire avec Converse. On était sur un voilier immense, on sortait avec toute la clique des artistes en mer (Brigitte, Yuksek, Ed Banger, Breakbot, Justice). Tout le monde hissait les voiles ensemble. Les concerts étaient géniaux. Il y avait un côté très familial : on les écoutait sur scène et on allait faire des bœufs, chanter et danser ensemble après les concerts.
En tant que festivalière, j’ai un souvenir fabuleux de Cabourg Mon Amour où j’ai découvert Flavien Berger sur scène. Son show était fabuleux, le soleil déclinait, ses cheveux volaient au vent (on aurait dit un espèce de Jésus Christ), il avait ses 2 claviers perpendiculaires à lui et en fond de scène, il y avait le ciel. Il chantait Trésor qui est une chanson très planante. Au moment où il chante « les yeux dans les yeux, les mains au sol », tout le public s’est accroupi et a posé ses mains au sol. Il est ensuite descendu de scène et il s’est accroupi avec le public. J’ai eu l’impression de vivre une expérience chamanique. C’était un moment de communion complètement trippant.
James Blake à We Love Green où j’étais sur scène : j’adore les silences, les moments de respiration dans sa musique. Ça te happe et c’est vraiment très beau !
Comment te sens-tu à 3 jours du festival ? Pas trop stressée ?
Oui, complètement ! Nous avons un peu le nez dans le guidon. Nous sommes dans les derniers jours et il y un peu tout qui arrive en même temps ! …
Que peut-on te souhaiter pour les quelques jours qui restent ?
De la bonne énergie et surtout souhaiter une belle expérience aux festivaliers !