Review : JOKO – I’ve Never Been Good With Words
Quatre ans après son premier projet Loon, JOKO nous revient avec un nouvel EP I’ve Never Been Good With Words. Se dévoilant comme la catharsis des émotions de la chanteuse, ce projet nous permet à nous aussi de mettre des mots et des mélodies sur des émotions, pour affronter et embrasser nos démons et nos peurs.
On l’avait découverte en 2017 avec son premier court métrage, puis, quelques temps après nous étions tombé.e.s sous le charme de son EP Loon. Joko revient aujourd’hui avec un nouveau projet encore plus puissant que ce qu’elle avait déjà pu nous offrir. Son nouvel EP I’ve Never Been Good With Words nous permet une incursion sans fard dans son intimité. Sans chercher à améliorer la réalité, la chanteuse se dévoile tour à tour vulnérable, agacée, exigeante ou encore blessée, nous exposant une personnalité toute en contradictions dans laquelle on peut facilement se reconnaître. L’être humain se révèle ici complexe et bicéphale et, sous la plume sincère de JOKO, on apprend à aimer ces contradictions qui nous rendent vivant.e.s.
A l’écoute du très feutré, presque lo-fi, The Knight, la voix lancinante de JOKO nous saisit immédiatement. On comprends tout de suite que, sur ce projet, la chanteuse va s’immiscer dans nos émotions les plus intimes. Parlant de la difficulté du vivre ensemble le titre est un hommage à Christopher Knight, un jeune américain malheureux en société, parti vivre caché dans une forêt pendant près de trente ans et jamais découvert, alors même que son repère était à moins de deux kilomètres des premières habitations. L’image du chevalier vient ici aussi de l’armure derrière laquelle on se cache pour se battre contre nos propres démons, et affronter ceux des autres.
Sur 1000, le changement d’ambiance est immédiat. Sur une instru électronique, les paroles se font plus dures « I’m far from your fake dreams […] Promise you will stay far from me ». De sa voix aux tonalités complexes, parfois éthérée, parfois légèrement brisée, JOKO explore son rapport aux hommes sur cette chanson. Empreinte d’une prise de conscience post #MeToo, ce titre révèle le besoin urgent de se libérer du male gaze et du poids du patriarcat qui s’immisce jusque dans nos relations les plus intimes.
Sur Mood, une certaine fragilité se dégage dès les premières notes de la guitare. Sur cette instru de nouveau minimaliste, la voix de la chanteuse nous touche en plein cœur, particulièrement quand les notes s’envolent lors du refrain. En nous livrant sa vulnérabilité, sans filtre et sans faux-semblant, JOKO fait tomber les barrières et nous transperce. Quand on sait comment ce morceaux a été composé, on comprend d’ailleurs qu’il nous touche autant, par sa sincérité absolue et sa pureté.
Mood est un des morceaux qui me représente le plus. Je l’ai écrit durant un après-midi de studio avec Arthur (NB : le producteur de Joko). J’étais bloquée, en pleurs, je ne savais plus quoi dire, je ne supportais plus ma voix, je ne me supportais plus moi-même. Arthur a commencé à jouer de la guitare en boucle en me disant « Allez maintenant chante, peu importe quoi, on s’en fout mais chante ». Après un très long silence, ces premiers mots sont apparus: « I can’t escape out of my head and I don’t know how to behave the right way ». Dans ce morceau, je raconte cette sensation dʼêtre prisonnière avec mes propres peurs comme barrières. Le refrain, libérateur, parle du besoin primordial de paix et dʼamour, cʼest un cri de délivrance.
Avec The Kid, l’EP prend une autre dimension. Plus sombre que les autres morceaux, The Kid dégage une force plus dure à cet EP, comme pour montrer la dualité qui s’affronte en chacun de nous. Après la douceur, ici il donc est questions d’exigence, de contradictions, de désir de solitude et même de caprices. The Kid illustre la part parfois plus dur à aimer que chacun.e porte en soit, tel un Mr Hyde indissociable du Dr Jekyll. Cette part plus sombre que l’on voudrait souvent voir disparaître et que l’on tente tant bien que mal de dissimuler jusqu’à ce qu’elle explose de nous, hors de contrôle.
Call Me Back For More…, dernier morceau de I’ve Never Been Good With Words, apporte une couleur que l’on avait pas encore entendu sur ce projet. Les rythmiques flamenco, entre clappements et guitare solaire, donne de la légèreté à des paroles plutôt empreintes de solitude. Ecrit lors des débuts de JOKO à Paris, ce titre très court parle de sa difficulté de faire de nouvelles rencontres et lier de nouvelles amitiés, avec le sentiment de perpétuellement courir après les gens.
En bref, dans cet EP très introspectif, JOKO explore ses failles et ses contradictions, nous invitant au passage à faire de même. Sur les rythmiques, tantôt électroniques tantôt minimalistes de son producteur et complice Arthur Vonfelt, sa voix blues au timbre magnétique nous entraîne dans un voyage pop et poétique. A écouter d’urgence !
Je vois cet EP comme un miroir à travers lequel on peut scruter son reflet, ses défauts et ses cicatrices, sans aucun filtre. On se regarde avec honnêteté, sans fierté mal placée ni jugement extérieur mais uniquement son propre regard, sûrement le plus dur de tous. Récemment, j’ai pris conscience que je n’étais pas la meilleure pour communiquer mes émotions. L’écriture de cet EP a été une réelle catharsis.
Il était déjà question de cette thématique dans mon premier EP : nos faiblesses, nos ratés et nos doutes, ceux qui nous rendent plus humain. Le héros parfait n’existe pas et quand on prétend l’être, ce n’est que pour cacher un mal-être. Avec Loon, je regardais les autres. Désormais, je regarde vers le miroir.
Tracklist
1. The Knight
2. 1000
3. Mood
4. The Kid
5. Call Me Back For More…
Notre sélection : 1000, Mood, The Kid