À l’occasion de ses 20 ans de carrière, nous avons rencontré Vitalic pour une interview retraçant son parcours, de ses débuts de DJ à ses projets à venir, en passant par son show anniversaire, prévu le 11 juin prochain à Bercy.
Salut Vitalic, pour commencer merci beaucoup de nous rencontrer ! Quand tu as commencé en tant que Hustler Pornstar puis Vital Ferox ambitionnais-tu une telle carrière ou faisais-tu de la musique davantage pour t’amuser ?
Au départ, quand j’étais étudiant, c’était un hobby. Évidemment, je rêvais d’en faire mon activité principale mais je ne pensais pas que c’était possible, surtout à Dijon. En revanche, quand petit à petit, des choses se sont installées, j’ai tout donné.
Tu as toujours dit que ton idole était Jean Michel Jarre et que tu avais également été influencé par Giorgio Moroder. Y a-t-il d’autres DJs/producteurs.trices qui t’ont inspiré au début de ta carrière ?
Au début de ma carrière, j’étais plus influencé par les trucs vraiment technos. En vieillissant j’ai trouvé d’autres sources d’inspiration, et j’en trouve encore. Par exemple, pendant le premier confinement, j’ai redécouvert un morceau d’Anne Clark, que j’ai trouvé complètement dingue. J’ai toujours de nouvelles sources d’inspiration qu’elles soient très anciennes ou très récentes. Tu crois toujours que tu arrives au bout, que plus rien ne va t’étonner, et en fait il y a encore des choses très étonnantes.
Aussi, quand tu étais plus jeune tu faisais du trombone. Penses-tu que cela a contribué à créer ton univers ?
Au début, j’ai cru que ça n’avait eu aucun impact mais, avec le recul, il y a du trombone dans ma techno. Finalement, ça participe un petit peu.
Tu as toujours été là où on ne t’attendait pas, en passant d’une signature entre techno et rock sur Poney à un album plus influencé par les rythmiques disco avec Flashmob. En 2012, tu as été l’un des pionniers de l’EDM avec Rave Age. Puis en 2017, on a découvert une facette de toi plus posée sur Voyager. Est-ce le secret de la longévité et du succès ? Être là où ne sont pas les autres et toujours à contre-courant de ce qu’on attend de toi ?
Je pense que l’un des secrets de la longévité, c’est de chercher. Si tu cherches, tu ne reproduis pas les mêmes choses. Tu peux faire des incohérences, des erreurs de goût, trop anticiper ou ne pas être entendu, parce que tu n’arrives pas au bon moment sur le bon truc… Mais, j’ai toujours été convaincu que de ne pas chercher, de rester sur place était une façon de laisser sa créativité mourir. C’est pour cela qu’on ne sait pas trop ce que l’on va trouver dans chacun des mes albums.
Comment décides-tu de la direction artistique que tu vas donner à ton album ? Est-ce en le faisant qu’elle prend vie d’elle-même ou t’imposes-tu une ligne directrice dès le début du projet ?
J’ai plusieurs phases. Je commence toujours par faire de la musique très calme, très atmosphérique. Ensuite, je passe par le disco et, petit à petit, je me sépare de ça. C’est souvent en chemin, et souvent sur la fin, que tout se dessine. Je fais des petits morceaux qui ne vont pas au bout. C’est un peu comme un cuistot qui prépare ses plats en atelier avant de les mettre sur la carte. Avant de mettre mes sons sur la carte, je fais beaucoup de tentatives. En général c’est sur la fin, sur les 4-5 derniers mois que tout s’assemble, un peu tout seul. Ça n’est jamais l’idée de départ. À chaque fois je pense que le prochain album sera d’une certaine manière, et à la fin ça prend toujours une autre direction.
En 2019, tu as formé le duo Kompromat avec Rebecca Warrior. Toi qui es habitué aux projets solo comment as-tu vécu cette collaboration ?
Je l’ai hyper bien vécue ! C’était un énorme plaisir de faire de la musique avec quelqu’un, surtout avec une personne comme Julia. C’était très inspirant. Elle m’a emmené sur des terrains où je ne serais pas allé tout seul, et c’est valable pour elle aussi. C’est un album profond, pour lequel on est allés chercher des trucs perso. Ce ne sont pas que des notes de musique, donc ça nous a forcément soudés. C’était aussi super de transposer l’album en live et de partir en tournée, je me suis vraiment éclaté.
A-t-on une chance de voir le duo se reformer ou était-ce un projet éphémère qui n’a pas vocation à revoir le jour ?
On a effectivement prévu de retravailler ensemble ! En revanche étant donné que tout est repoussé, tout le temps, cela repousse tout ce qu’on a prévu avec Kompromat. Tout bouge avec les bookeurs, les salles de concerts, les locations… Ça ne se fera pas avant 2023 voire 2024.
Tu as été l’un des précurseurs des concerts électroniques, à l’image notamment des Daft Punk. Ton lien avec la scène est très fort, d’où cela vient-il ?
C’est dur à définir… Ça a une telle importance et en même temps c’était une telle punition au début. Pendant très longtemps, même quand ça marchait très bien, c’était beaucoup d’angoisse. J’étais le spécialiste des embrouilles de matos, j’avais donc peur des problèmes de matériel. Une fois sur trois, ça ne marchait pas ! J’avais aussi un manque de confiance en moi. Et en même temps je me sentais obligé de le faire, j’avais envie de le faire. L’adrénaline que le live procure en fait quelque chose qui vaut le coup d’être vécu.
J’ai eu l’occasion de voir ton live ODC, en 2018, qui était visuellement très fort. A chacun de tes shows, on découvre une ambiance très marquée et une scénographie très pointue. En quoi l’image et la scénographie sont importantes dans ton projet ?
Pour plein de choses… C’est important parce que, au même titre qu’une pochette, la personne que je vais choisir pour le mixage ou les intervenants sur le disque, la scénographie donne une couleur d’ensemble, une cohérence. Pour ODC, on avait parlé de vaisseau cosmique, de vaisseau spatial. Quelque chose sur la technique, la cinétique… on a assemblé tout ça et ça a fait un show. J’aime bien, par exemple, chercher des vidéastes pour faire des vidéos. Ça permet justement de ne pas s’endormir et de continuer de chercher. Se mettre sur un nouveau show, c’est hyper excitant ! C’est quelque chose qui me prend 6 mois, c’est important et ça me maintient en excitation. Le prochain show, si un jour on peut le faire, va aussi être bien senti.
La création de ton label Citizen Records, en 2001, a-t-elle changé quelque chose dans ton rapport à ta musique ? Se sent-on plus libre quand on est le seul maître à bord ou as-tu toujours eu cette liberté ?
Quand j’ai créé Citizen, j’étais libre mais j’ai quand même toujours écouté les personnes qui savaient. En sortant de ma campagne, en étant en dehors du milieu, je ne pouvais pas prétendre savoir comment réussir à faire un premier album. Quand j’ai sorti Ok Cowboy, mon premier album, j’étais en licence chez PIAS et ils ont bien mené la barque sur cette sortie d’album. À ce moment, j’étais indépendant dans ma création. Je prenais, les décisions mais j’ai toujours fait les choses en accord avec les gens avec lesquels je travaillais. Sur Citizen, je vois beaucoup de jeunes qui ont peur de perdre leur indépendance, comme si le label était forcément quelqu’un qui voulait les amener là où ils ne veulent pas aller. En fait, on essaye juste d’aller tous ensemble au même endroit, dans le même wagon.
C’est vrai qu’il y a de plus en plus d’artistes qui s’émancipent des labels, notamment dans le rap. Ça donne un peu l’impression que les labels ne sont plus des piliers pour les artistes, qu’ils peuvent faire sans…
Ce qui est vrai, tant pour une maison de disque, que pour un éditeur, ou un distributeur c’est que quand t’es plus « fresh », t’es plus « fresh ». Au départ c’est la nouveauté et tout le monde est à fond sur le premier album. Pour le second, il y a déjà des nouveaux qui arrivent. Ces montagnes russes font partie du jeu. J’ai beaucoup appris sur mon premier album, maintenant je peux me débrouiller seul. Aussi à l’époque, il y a 20 ans, on avait ouvert la voie de l’indépendance dans l’électronique mais ce n’était pas aussi systématique et aussi rodé. Ça nous semblait assez insurmontable. Maintenant, ça a bien évolué. Internet a vraiment changé la donne.
Tu as relancé Dima il y a deux ans. Le 12 février tu ressors Fuckeristic – qui vient de fêter ses 20 ans. Reprendre ton identité de l’époque est-il une volonté de revenir aux sources pour expérimenter différemment ?
C’était plus pour faire un petit clin d’œil. Je voulais en faire d’autres, et je peux en faire d’autres, mais avec la situation actuelle, ce que j’avais prévu est un peu tombé à l’eau. J’avais prévu de faire d’autres disques Dima mais ça reste très à part. Sur Vitalic, je cherche des concepts et des histoires. Sur Dima c’est plus de la musique hédoniste pour le dancefloor, il y a moins de recherche. La techno ça se produit très vite… Tu peux vraiment produire un morceau de techno par jour. Je ne dis pas que c’est nul, mais ce n’est pas le même travail que sur un morceau où je fais beaucoup de recherches.
Pour ton prochain concert le 11 juin 2021 à Bercy, Dima et Vitalic se passeront-ils les platines ou aura-t-on le droit à du pur Vitalic ?
Ça sera du pur Vitalic. Il y a 20 ans de morceaux, il y a déjà beaucoup de choses à mettre et des choix à faire. J’ai vu quelque chose hier qui m’a fait beaucoup rire : « Hard Times Hard Techno ». Quelque part, dans mon prochain album il y a quelque chose d’un peu plus industriel, d’un peu plus dur qui est revenu. Ça n’a rien à voir avec Voyager, ce sont vraiment les deux frères ennemis. Il y a d’ailleurs un peu d’énergie Dima qui revient sur mon prochain album. C’est l’époque qui veut ça aussi, je n’ai plus du tout envie de faire des musiques disco ça m’est passé.
Tu as un nouvel album qui arrive cette année. Peux-tu nous en dire plus ? Quelles sont les prochaines expériences prévues ?
En plus de l’album, j’ai un duo avec Kiddy Smile qui arrive, pour un morceau qui sera un monstre extrêmement méchant d’acide ! Avec l’album qui arrive on est vraiment très loin de Voyager… Il reprend des bases d’EBM, de music punk, de new wave, mais je suis allé à contre-courant des codes d’origine de ces styles. J’ai ancré ce nouvel album avec des productions actuelles. C’est, entre guillemets, un mélange de new wave et de punk.