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Interview : Ici Demain Festival

Interview : Ici Demain Festival

A la veille de la première édition du festival Ici Demain imaginé par FGO-Barbara, nous sommes allés à la rencontre de Léo Jouvelet, co-directeur et programmateur de FGO-Barbara et des Trois Baudets et Pascal Stirn programmateur consultant du festival, tous deux fortement engagés dans le soutien à la création des jeunes artistes et dans la pluridisciplinarité culturelle.

Bonjour à tous les 2. Pour commencer cette interview, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

Léo : Je codirige le FGO-Barabra et Les Trois Baudets. Je m’occupe de la programmation et de la partie artistique.

Pascal : Je suis éditeur depuis récemment. J’ai dirigé pendant 25 ans l’EMB de Sannois. J’ai arrêté fin janvier pour me consacrer à des activités de programmation que j’exerçais déjà : je fais partie des équipes de Rock en Seine et des Inouïs du Printemps de Bourges pour l’antenne Ile-De-France, dans la catégorie pop rock. Par ailleurs, je m’occupe de la programmation musicale du pôle national des arts du cirque, à Châtenay-Malabry, qui gère un théâtre, un jazz cub et un espace cirque dans lequel il y a un pôle de création de cirque contemporain. Je mets en relation des musiciens et des circassiens pour des créations. Je manage et je suis éditeur de Ian Caulfield. Et, je travaille sur un projet de MBA à l’ICART  dans le cadre de la conception d’un programme et du casting des profs parmi les professionnels.

Comment votre collaboration est-elle née ?

Léo : Je connais Pascal depuis 5/6 ans, à l’époque où j’étais booker. En prenant la direction et la programmation de FGO, dans un premier temps, je voyais Ici Demain comme un festival dans la Goutte-d’Or ouvert dans plusieurs lieux et au public. Le but était de travailler avec d’autres lieux. Je voulais m’associer à quelqu’un qui avait cette vision du développement, comme Pascal. On a la même vision sur les artistes. Je lui ai passé un coup de fil pour lui présenter le projet et on a construit ensemble et avec les équipes.

Nous sommes à la veille du début du festival. Pouvez-vous m’expliquer la genèse de Ici Demain ? Comment ce projet est-il né ?

Léo : Un lieu comme FGO a besoin d’être davantage mis en avant sur toutes  ses activités (notamment autour de la jeune création et de projets en développement). On avait envie de mettre ce travail d’accompagnement et de création artistique en avant. J’avais suivi le travail de Pascal à l’EMB qui proposait beaucoup d’artistes en développement tant sur la programmation que sur le travail de la résidence scénique. On a ensuite construit ensemble autour du projet avec l’idée d’un festival qui mettrait en avant les artistes et leur donnerait de la visibilité au moment de leurs premières scènes.

Quelles sont les valeurs défendues par Ici Demain ?

Pascal : A l’image du quartier et de ce que représente FGO et ses missions vis-à-vis de la ville de Paris, il y a une grosse attente quant à la sensibilisation d’une population issue de quartiers métissés aux musiques actuelles. L’idée était de proposer une programmation très diversifiée d’artistes émergents.

Ce qui est très visible à FGO, c’est son dispositif d’accompagnement Variation(s) avec un appel à candidature, la promotion d’une sélection de 15 lauréats et un accompagnement toute l’année. A mon sens, le festival doit s’inscrire en complément d’un projet d’accompagnement qui va consister à faire travailler, accompagner, se mettre au service des 15 projets retenus. C’est aussi une manière de faire identifier le lieu auprès de jeunes artistes en amont de l’appel à candidature annuel et de commencer des collaborations avec de très jeunes artistes potentiellement amateurs qui seraient amenés à se professionnaliser. Il est important de parler des missions de FGO car il répond à un cahier des charges attendu par la ville de Paris concernant l’accompagnement des pratiques amateurs et professionnelles, ce qui est assez insolite à Paris.

Comment la programmation de cette première édition a-t-elle été construite ?

Léo : On voulait programmer des projets dans différentes esthétiques musicales, avoir un équilibre entre des projets identifiés féminins / masculins. On avait envie de défendre toutes les valeurs du lieu à travers le festival. On a sélectionné des projets issus du dispositif Variations(s) mais on voulait aussi être national. Il y a donc des artistes qui viennent de Saint-Étienne, Lille, Clermont-Ferrand. Par ailleurs, en amont du festival et dans la mesure du possible, on a proposé aux groupes, hors dispositif Variation(s), de venir travailler à FGO afin de les accompagner globalement (préparation d’une set list, gestion des balances, travail scénique et sur le corps) et non pas juste les programmer pour le festival. On est satisfaits parce que 80% des artistes programmés pour le festival ont bénéficié de cet accompagnement global.

FGO – Barbara est un lieu pluridisciplinaire. Comment avez-vous intégré cette dimension dans le cadre du festival ?

Pascal : Pour l’artwork, qui a été réalisé par Anissa Zrioui aka Kahena.z, on a fait un appel à candidature pour singulariser le coté original et confier la communication à une jeune illustratrice/dessinatrice.

Initialement, on voulait contextualiser cette programmation en apportant de la matière à une illustratrice avec des artistes à croquer mis en situation de live. Ces illustrations auraient permis de valoriser le quartier et les différents lieux qui devaient être investis. On avait également imaginé en faire une BD, une expo pendant le festival. On fait un premier pas vers quelque chose qui peut tendre vers un développement pour les éditions futures.

Léo : On avait cette envie de pluridisciplinaire. Aujourd’hui, l’image est très liée aux projets musicaux : avec les photos, les vidéos clips, les artworks d’albums. On est contents du travail d’Anissa sur l’affiche. On l’a ensuite inclue dans le projet : elle a fait la présentation des lauréats du dispositif Variation(s), elle a fait de la réal pour un jeune groupe, ça lui a ouvert des portes. C’était aussi la volonté du projet.

Le festival était  initialement programmé  du 18 au 20 novembre. Comment avez-vous géré l’annonce du couvre-feu puis celle du reconfinement ?

Léo : On avait initialement programmé le festival en semaine, du mercredi au vendredi en raison de la concurrence du week-end. C’était plus simple en semaine pour que les professionnels puissent se déplacer et que la presse soit dispo. A l’annonce du couvre feu, on s’est rapidement retournés en positionnant le festival sur le week-end et en avançant les horaires des concerts dans après-midi. On avait déjà anticipé l’annonce du deuxième confinement, mais ça a été très dur mentalement pour tout le monde : on avait commencé à travailler sur le planning en mai/juin, la programmation était quasi bouclée en juin. On a essayé de se retourner rapidement. On a trouvé des forts partenaires.

Avec ce reconfinement, vous avez décidé de diffuser Ici Demain en ligne. Quelle est votre position sur le live stream ?

Léo : On voulait proposer un accueil technique professionnel sur scène. Les artistes plus confirmés avec une fan base plus importante vont choper un live stream dans une salle avec un gros média, ce qui est moins possible pour les artistes en développement.

Pascal : L’un des premiers débats a porté sur l’intérêt du live stream alors que notre métier est d’accueillir le public et d’assurer cette rencontre avec les artistes. Un des arguments les plus forts, au-delà de celui de faire vivre un lieu, est de rester force de propositions pour les artistes et en particulier pour ceux en développement qui ont moins de fenêtres d’expression, mais aussi auprès des tourneurs, producteurs qui sont à la 3ème étape de déprogrammations, reports de concerts. Pour ceux qui travaillent tout au long de l’année au développement d’artistes, c’est hyper dur.

C’est une très bonne transition pour ma prochaine question. Quel est l’avenir du spectacle vivant et de toute la filière qui gravite autour de ce secteur  ?

Pascal : Il faut rester un peu optimiste et positif. Mais, la situation pour notre secteur d’activité est compliquée car la filière est principalement composée de PME qui ont vu leur activité stoppée net et c’est compliqué pour bon nombre d’entre elles de se maintenir malgré le chômage partiel. D’autant que tout le monde reste dans l’inconnu et le flou de la reprise. Certaines petites structures, sans avoir le choix, vont se faire aspirer par des plus grosses qui ont des trésoreries plus importantes alors que d’autres déposeront le bilan pour peut-être remonter quelque chose quand les choses iront mieux. Mais techniquement et financièrement parlant, il y aura de la casse parce qu’il n’y aura pas d’autre choix que de se mettre en cessation d’activité.

Léo : C’est une bonne question ! Il faut rester positif mais c’est difficile car pour l’instant, on n’a pas vraiment de vision à long terme.  Aux Trois Baudets et à FGO, on se sent privilégiés, on est des salles subventionnées et on a des missions précises. Mais, nos collègues du privé ne peuvent pas se permettre de faire des événements comme le nôtre. Ça fait mal parce que des salles comme la Boule Noire, la Maroquinerie, le New Morning ont rouvert juste quelques semaines en septembre / octobre.

Pascal : L’enjeu qui est important est de faire vivre les artistes et la musique de manière virtuelle en vue de garder un public connecté à ce qu’il se passe, aux projets qui arrivent, pour qu’il soit prêt et présent dans les salles quand ça reprendra. De fait, les choses se feront assez progressivement. Tous les publics ne seront peut-être pas prêts pour venir s’enfermer dans une salle tant que le virus n’aura pas complètement disparu.

Que pensez-vous des aides qui ont été débloquées par le Gouvernement ? Attendez-vous que des mesures supplémentaires soient prises ?

Pascal : Les aides ne sont jamais suffisamment importantes surtout dans une situation comme celle-ci. Mais en même temps, il y a un certain nombre d’aides mises en place. C’est assez facile de critiquer. On n’a pas forcément tous les éléments pour jauger et apprécier la situation. Mais dans une configuration où les salles de spectacle sont assez vastes avec le respect d’un protocole sanitaire, je pense qu’un certain nombre de manifestations auraient pu être maintenues. Pour ça, il aurait fallu une vraie volonté affichée dès le départ. Effectivement, dans un lieu de 300 places, c’est compliqué. En revanche, on peut ouvrir des lieux plus grands ; la jauge sera réduite mais des choses pourront se faire et exister dans des conditions qui ne pourront pas être remises en cause.

Je pense au Printemps des Inouïs, qui s’est déroulé en septembre et qui a été maintenu dans un contexte rassurant pour le public et les artistes, avec des aménagements spécifiques (de grands plateaux, de nombreuses loges, configuration adaptée pour le public). Les choses ont pu avoir lieu dans de bonnes conditions avec un public qui a répondu présent mais avec une jauge particulièrement dégradée. C’est un bon exemple d’une organisation de concerts qui ne prend aucun risque et qui essaie de border au maximum. On a quand même moins de risque assis et masqués dans une salle de spectacle que dans le métro aux heures de pointe.

Léo : En septembre / octobre, on avait fait la même chose à FGO et aux Trois Baudets avec des petites jauges, entre 80 et 100 places assises. On a mis en place un sens de circulation pour que le public ne se croise pas. On a fermé le bar quand on nous l’a demandé. On a respecté le protocole à la lettre pour continuer à en faire le plus possible.

Pour conclure, quel est votre dernier mot ?

Léo : Les artistes d’Ici Demain, c’est l’avenir, le futur.

Pascal : Il faut faire appel à la curiosité du public et écouter les artistes qu’on a eu plaisir à découvrir, à comprendre leur projet et la manière dont ils veulent avancer. Au delà d’une écoute, on a échangé sur la manière dont ce festival et les activités proposées à FGO pouvaient les servir. On est très contents des artistes identifiés. C’est important de faire exister ce genre d’évènement et de moment.

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