Rédactrice Photographe
On s’est rendus à Argenteuil pour rencontrer Hausmane, Adrien et Aksel de membres du trio FORM au Musée Sauvage qui accueillera leur futur studio d’enregistrement.
Après avoir fait rapidement connaissance, on a discuté de leur parcours depuis le Ricard 2019, de leur dernier EP C.W.T. (It Comes with the Territory) et de leurs questionnements philosophiques. Et en bonus, les photos de notre shooting en fin d’interview !
On vous a découverts l’an dernier avec le Ricard 2019, mais pour ceux qui ne vous connaitraient pas encore, pouvez-vous nous faire une petite présentation du projet FORM ?
Hausmane : on est 3 mais on a commencé à 4, comme commencent les groupes de potes. On se connait depuis notre enfance. Aksel et moi avons commencé la musique à l’adolescence. Adrien a commencé un peu plus tard, il y a une petite dizaine d’années. C’est devenu sérieux quand on s’est trouvés et qu’on a commencé à faire la musique dans laquelle on s’est reconnus. ça fait 2 ans qu’on a vraiment développé une musique et le projet FORM.
Adrien : au début, c’était davantage des projets collectifs, il n’y avait rien de concret. On se retrouvait pour faire du son ensemble – on avait les mêmes influences, on écoutait les mêmes artistes – mais pas dans l’objectif de créer un projet.
Comment travaillez-vous ?
Hausmane : je chante, je fais du piano. Aksel fait des percus et chante aussi. Adrien fait du synthé et chante sur les live.
Adrien : en studio, on se partage les tâches. Hausmane est davantage sur l’écriture. Aksel est sur la prod et les arrangements. Je suis aussi sur la prod mais sur la partie mix et recherche du son. Mais ce n’est pas une recette qui revient tout le temps. Aksel peut commencer un beat et finalement on peut finir le morceau à 3. Mais en live, on a nos postes respectifs.
Comment avez-vous composé ce deuxième EP ?
Hausmane : il y a cette dualité entre la prod et la chanson. Adrien et Aksel sont vraiment sur l’aspect production pure et dure (la trituration des sons, la recherche de textures, de designs de sons). Je vais bosser la structure des chansons. J’aime bien parler de ce qu’on fait comme des chansons produites car c’est très structuré avec des lignes de voix assez claires, des refrains.
Au début, on faisait de la musique un peu bordélique parce qu’on aimait plein de choses. Cet aspect structuré nous a permis de faire un espèce d’entonnoir et de garder l’essence de ce qu’on voulait faire. Sur ce 2ème EP, on est passés à 3, on s’est vraiment trouvés très naturellement et on a réussi à garder l’essence de tout ça (les voix, les synthés, les percus en premier lieu).
Il y a 3 featuring sur l’EP, comment s’est passée votre collaboration avec La Chica ?
Hausmane : avec La Chica, ça s’est fait assez vite. C’est une artiste qu’on admirait énormément, elle est touche à tout, elle sait tout faire et elle le fait bien, tant sur la production que l’écriture. On ne la connaissait pas personnellement mais on suivait ce qu’elle faisait.
Pour le premier contact, on lui a envoyé ce qu’on faisait sur le premier EP. Elle a bien accroché et elle nous a répondu très gentiment en nous faisant un retour très précis. Ensuite, on lui a envoyé la démo de White Flag pour lui proposer de poser sa voix sur ce titre mais elle le trouvait trop bien pour poser dessus (à la base, on pensait que c’était une excuse !). On s’est rencontrés et on s’est très bien entendus tant musicalement qu’humainement. Il y a quelque chose de très fort qui s’est créé. On a commencé à beaucoup se voir, à échanger des inspirations. On lui a envoyé plusieurs titres, elle a vachement accroché sur Waterfall. On lui a donc offert un couplet sur lequel elle a mis sa touch. On était trop heureux de la tournure que les choses prenaient.
Depuis, elle m’a invité sur son titre The Sea. On a écrit plein de choses en piano voix même si pour l’instant, on ne sait pas encore exactement ce qu’on va en faire, mais il y a plein de projets avec elle à venir.
Et avec Elbi ?
Adrien : on a rencontré Elbi lors d’une soirée au Pavillon Puebla, où elle jouait. C’est une fille qui est adorable, hyper avenante et drôle. On a accroché direct, on a passé la soirée ensemble et on s’est trop marrés.
Hausmane : elle a un truc de ouf. On se suivait sur les réseaux. On s’est attardés sur son EP qu’on a adoré, elle a écouté ce qu’on faisait. On s’est ensuite rapprochés en se disant qu’il fallait qu’on fasse un truc. Elle avait des idées pour changer son projet et on a essayé de bosser des prods pour elle.
Adrien : elle est venue une journée au studio, on a fait un son en une journée, en one shot. Il y a eu une grosse alchimie et on a pas retouché au son. C’était vraiment la collab rêvée.
Hausmane : le lendemain, un membre du collectif Nowadays faisait une compil et voulait qu’on leur propose une track pour cette compil. On leur a proposé la track avec Elbi et c’est aussi comme ça qu’on s’est rapprochés de Nowadays. On a donc décidé de la remettre sur cet EP.
On sent de nombreuses influences dans cet EP (rap, trip hop, electro, jazz), comment expliquez-vous cette variété de styles ? Quelles sont vos influences ?
Adrien : on a un amour de la musique qui est assez large même si on a chacun nos sensibilités. Moi, j’adore l’électro mais je suis aussi fan d’artistes comme Nick Drake ou de folk. On a pas envie de se mettre de barrières à ce niveau-là. On fait de la pop, de la chanson avec de l’électronique mais on s’inspire de tout ce dont on peut s’inspirer (jazz, classique …), même s’il faut cadrer notre travail, surtout sur un EP où il faut que ça reste un peu cohérent entre toutes les tracks.
Hausmane : c’est aussi la récompense de notre travail passé : la recherche des codes et l’essence de ce qu’on fait pour pouvoir, sans se forcer, avoir une sorte de touch qui revient.
Fucks On Zero est un morceau qui dénote par rapport aux autres titres de l’EP. Quelle est l’histoire de ce morceau ?
Nowadays nous a orientés sur ce feat rap qui est un peu plus « osé ». On a rencontré MJ Medeiros, qui venait de faire un feat avec La Fine Équipe. On a envoyé nos tracks à MJ Medeiros. Il a accroché sur un morceau qu’avait commencé Aksel. On avait pas encore fini la structure. Il a posé son truc sur la démo. Nowadays était trop chaud pour le faire et on était contents de ce que ça a donné. On a pas trop réfléchi. Pour nous, c’était cohérent et ça nous correspondait.
Adrien : même si elle diffère des autres tracks, ça reste aussi dans notre touch. Ça nous faisait super plaisir de bosser avec lui. On l’écoute depuis le lycée. On aime bien aussi avoir cette facette de producteur. On aime écrire pour nous mais si on peut produire pour les autres, c’est aussi une facette de notre travail qu’on a envie de développer. Sur ce morceau, on ressent plus ce côté producteur que le côté chanteur. Le hip hop, c’est quelque chose qu’on a toujours écouté, encore aujourd’hui, et ça fait partie de notre ADN musical et de nos influences.
Hausmane : chacun de nous est en constante maturation, on a grandi, on est tout le temps en train d’évoluer. On prend ce qu’on aime et on essaie de ne pas se brider parce qu’on pense qu’on peut se le permettre. Ça nous permet aussi de nous tester et c’est pour cela qu’on a eu cette envie de collaborer. Il y avait ce travail qui me donnait envie et m’intéressait, de nous confronter à autre chose et de voir où serait notre touch là dedans. On est aussi tombés sur des artistes qu’on aimait profondément et ça nous a vachement boostés.
Les thèmes abordés sont très existentiels (la place des écrans sur Mirrors, le besoin de se ressourcer lorsque l’on affronte des doutes et questionnements sur Waterfall, l’ode à la prise de risque sur Alive) …
Hausmane : j’ai commencé à écrire avec ce qui venait, comme si j’écrivais avec mon inconscient. Ce sont des questionnements qui étaient importants pour moi, dont j’avais envie de parler et qui me parlaient beaucoup à ce moment (White Flag).
De ces sentiments personnels, j’ai essayé de les analyser et de les mettre dans des situations universelles qui peuvent nous arriver à tous. Je n’ai pas bridé l’écriture mais il y a toujours de l’espoir, il n’y a jamais quelque chose de fataliste. En écrivant, je me suis aussi rendu compte de certaines choses sur moi-même et c’est ce qui m’a plu et j’ai aimé mettre ça en musique.
Adrien : il y a les thèmes mais aussi la manière d’écrire qui est assez éthérée. Hausmane s’inspire beaucoup d’artistes comme Fink, Radiohead qui est une très grosse influence. C’est très imagé. Tu comprends ce que tu as envie de comprendre. Il y a beaucoup de métaphores qui sont laissées à la libre interprétation de chacun.
Et au sujet du titre de votre EP, que signifie C.W.T. (It Comes with the Territory) ?
C’est une expression qui veut dire ça fait partie du jeu. On se la répétait un peu en boucle avec notre passage de 4 à 3, on a chacun vécu plein de choses dures et intenses. Cette phrase résumait bien ce qui se passait et tous les états qu’on décrit dans nos chansons.
Si on revient un peu en arrière, l’EMB Sannois vous a repérés. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Hausmane : à l’époque, on avait un lieu un peu underground à Pontoise. Pascal, le boss de l’EMB, avait entendu parler de ce lieu. Il a appris qu’il y avait des producteurs dans le studio, il a aimé ce qu’on faisait et nous a programmés en première partie de Fakear. Comme la première soirée s’est bien passée, il a réitéré avec Jungle. Il est toujours très présent sur le projet et on a toujours pu compter sur lui.
C’est aussi grâce à l’EMB que FORM s’est créé car on a dû réunir nos prods pour faire un show. L’EMB nous a apporté énormément et nous apporte toujours aujourd’hui.
Qu’avez vous appris en faisant les premières parties de Fakear, Jungle, Thylacine ?
Hausmane : à ce moment, c’était vraiment le début. Fakear, c’était quasi notre première scène. Pour Jungle, c’était la grosse excitation parce qu’on les aime énormément.
Aksel : c’est un peu dur de dire qu’on a appris quelque chose grâce à cet événement parce qu’à ce moment, le projet FORM n’était pas encore formé. On cherchait encore notre identité musicale. Pour la petite anecdote, pour la première partie de Fakear, on était programmés mais on n’avait pas encore fait de live, mais il fallait qu’on ait 30 à 40 minutes de set. C’était particulier.
Adrien : ce qui est drôle c’est que les grosses première parties qu’on a faites c’était au moment où le projet, tel qu’il existe aujourd’hui, n’existait pas encore. Mais, ça a été formateur sur le côté scénique.
L’an dernier, vous faisiez partie des 10 finalistes du prix Ricard. Comment l’avez-vous vécu ?
Adrien : ça nous a forcément fait très plaisir. Ça nous a flattés de nous retrouver dans les 100 puis dans les 10 derniers. C’était notre travail qui payait.
Aksel : c’était un timing un peu particulier pour nous parce qu’on venait de se séparer du 4ème. C’était un moment où on était en phase de changement du projet. On pensait à autre chose à ce moment-là et on a laissé faire les choses.
Hausmane : on ne s’y attendait pas forcément, mais ça a été un bon coup de pied parce qu’on a du se dépêcher pour avoir un live prêt à 3. On a particulièrement apprécié ce tremplin et l’équipe. Le Ricard a été la meilleure expérience en terme de tremplin, de visibilité et de comm’. C’est un réel accompagnement. Ils le font beaucoup plus simplement que d’autres tremplins mais plus utilement. Quand tu es finaliste, ils poussent, ils aident financièrement les festivals qui n’ont pas les moyens, ils rallongent un peu plus pour que tu puisses venir jouer, ils sont très présents (notamment Rod Maurice qui a fait la session acoustique de White Flag et celle avec La Chica). On le rappelle à chaque fois qu’on veut filmer quelque chose. On a vraiment gagné plein de trucs avec ce tremplin et ce sont des gens qu’on aime beaucoup.
Pourquoi le choix de l’anglais ?
Hausmane : c’est con mais j’ai grandi en écoutant que de la musque anglophone. Pour moi, c’est le langage musical et ça me vient en anglais et je kiff de plus en plus. J’ai toujours été obsédé par cette langue parce que j’avais envie de comprendre ce que disaient les chanteurs.
Adrien : le français ne se chante pas de la même manière et la musicalité est différente. On écoute très peu de groupes francophones mais certains font exception comme Terre Noire qui est génial au niveau de l’écriture et de la production. Ce sont des français qui se mettent au niveau des anglo saxons
Hausmane : depuis récemment, il y a des projets français qui sortent auxquels j’adhère et qui sont vraiment cool. Terre Noire réunit tout : l’élégance du chant et l’écriture. Souvent, le français me sortait un peu du côté musical. Évidemment, je ne parle pas des grands paroliers qu’on a pu avoir à l’époque mais c’est vrai que sur notre génération, je ne m’y retrouvais pas.
On vient de parler de Terre Noire. Quels sont vos autres coups de cœur du moment ?
Adrien : en ce moment, je suis dans ma phase piano mélancolique. J’y reviens tous les 2 mois à Takashi Yamamoto qui est l’un des plus grands compositeurs japonais de ce siècle. Il a fait énormément de musiques de film. C’est magnifique ! J’écoute autant ça que Daniel Avery qui fait de la techno acide. J’ai aussi pas mal saigné le dernier album de Floating Points et Damino.
Hausmane : James Blake, la chanteuse anglaise Cléo Sol, Kurt Elling (c’est un crooner avec une voix incroyable, c’est du jazz presque cliché, je suis un peu obsédé par sa voix, très ASMR, dont je m’inspire) et le groupe néerlandais Weval. Ce sont de gros producteurs qui, de plus en plus, ont développé un côté très musical. A la base, ils jouent des morceaux un peu plus produits, plus électroniques.
Aksel : il ont clairement leurs sons à eux. On a pris une grosse claque avec leur dernier album (The Weight). On l’a écouté en boucle pendant pas mal de temps.
Nous sommes à quelques jours de la release party au Point Éphémère, le 10 décembre, comment vous sentez-vous ?
Adrien : on répète toutes les semaines, on est déjà chauds et on a encore quelques répètes à se faire. On est super excités, on est prêts.
Aksel : c’est une date importante.
Hausmane : on est trop contents d’avoir tous les invités. Ça va être beau !